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Posted on 16th May, 2019 in Géologie

Le lac du Salagou fête cette année ses 50 ans! On peut donner comme date de sa naissance le 4 mars 1969: jour de fermeture des vannes du barrage. Il a suffit de deux années pour remplir la retenue et atteindre la côte 139. Il est vrai que cette période a été marquée par des précipitations exceptionnelles sur le bassin versant du Salagou !

LE LAC DU SALAGOU "MIROIR AUX CENT VISAGES"

Le lac est aujourd'hui un site magique et mystérieux aux paysages exceptionnels en toute saison, un des joyaux du tourisme héraultais ,« un miroir au cent visages » comme se plaisait à le décrire Max Rouquette . 

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« Là est le miracle : cette réunion , dans la seule vallée de 750 hectares , d’un pareil éventail de beautés et d’étrangetés possibles. Il aura fallu le génie des hommes pour créer avec ces éléments une beauté nouvelle et rare, avec l’aide d’une nature qui sait , sans désaccords, réunir tant de contraires. Pour ouvrir plus encore, à chaque saison de l’année , à chaque heure du jour, la surprise d’une nouvelle métamorphose. » Max Rouquette .

UN VOYAGE AU COEUR DE LA HAUTE VALLEE DU SALAGOU

Pour fêter cet événement, les 50 ans du lac,GEOLOGICA-rando , vous invite au voyage!

Il n'y a pas si longtemps, observer la nature était considéré comme une activité contemplative à la recherche de la beauté qu'elle nous offre.

Mais aujourd'hui, l'homme pressé que nous sommes, nous a fait perdre cette vision. Même nos paysages les plus familiers peuvent échapper à notre regard et ignorer les milles merveilles qu'ils recèlent. Alors, je vous invite à éveiller votre regard et partir pour un voyage. Un voyage dans « un pays » qui est le mien : « la Haute vallée du Salagou ».

Je vous invite, à la contemplation, à la découverte de la beauté, de la richesse et de la vie de ce territoire, aux paysages colorés ,encore préservés. Un paysage qui s'est fait et défait en près de 300 millions d'années.

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Connaissez vous en France un pays , où la terre est rouge ? Rouge comme sur la planète Mars, rouge comme les canyons d’Arizona, rouge comme les sols d’ Afrique. Ce pays, il y a des millions d’années s ‘appelait la Pangée : la Terre en garde sa mémoire et il existe encore ici! Ici, "chez nous", on l’appelle « les ruffes » en son cœur se love un lac, un «miroir aux cent visages ».

Nous sommes dans le Haut-Languedoc, plus précisément dans le Nord du département de l’Hérault. Si vous empruntez l’autoroute A75, vous découvrirez ces Terres Rouges après la descente du Pas de l’Escalette , à la sortie de Lodève. Venant de Montpellier, elles apparaîtront brutalement à Rabieux. Une traversée d’à peine 7km ! Alors, pour les découvrir je vous invite, à quitter l’autoroute : direction le lac du Salagou ! Sortie 54 ou 55- …. Puis à suivre, une petite route départementale, la D148.

Une petite route qui me conduit chez moi et que j’ai retrouvé de multiples fois dans ma vie après chaque longues absences liées à mes activités professionnelles. A chaque retour, c’était le même émerveillement, le même plaisir , je pénétrais dans ce territoire d'un autre temps et d’une étrange beauté : les Ruffes !

Suivez-moi et tournez au tour du rond-point de Cartels ! Dirigez vous vers Octon.

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Brusquement, à votre gauche,   il apparaît à vos yeux : le lac! Arrêtez-vous sur le bord de la route : quelque soit la saison vous avez devant vous un paysage de carte postale. A vos pieds, un village fantôme sur les rives d’un lac aux découpes esthétiques : c’est le Salagou et le petit hameau de Celles !

Reprenez votre route et faites une pause à Octon : la petite place du Griffe au cœur du village est animée les soirs d’été.

A partir d’Octon, vous allez continuer votre voyage à travers les Ruffes en remontant la vallée du Salagou en amont du lac. Des surprises vous y attendent, exceptionnelles ! Vous allez vous familiariser, puisque vous ne les quitterez plus, avec ces Terres Rouges quasi désertiques que les géologues appellent « badlands » : mauvaises terres ? Parfois la beauté a d’étranges appellations ! Je préfère les appeler mes belles terres!

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Dans cette vallée perdue, mes petits enfants ont leur repère : « le château cassé » ! Encore un paysage exceptionnel s’offre à votre regard lorsque le soir à son coucher, le soleil joue avec les couleurs du ciel. Perché sur un piton, un pan de mur se détache dans le paysage : ce sont les ruines du Castelas de Malavielle dressé sur son neck volcanique. Ici, en rouge et noir, ruffes et basalte, associés aux pierres du château nous offrent un décor fantastique du spectacle de la Nature. Mais ce n’est pas tout !

Arrêtez-vous au lieu-dit La Lieude, à l’entrée de la D8 , garez-vous près d’un hangar . Il recouvre et protège une dalle de ruffe. Ce lieu ,sur le plan géologique est d’une richesse exceptionnelle. La dalle préservée porte des traces fossiles uniques en Europe. Des traces de pas d’animaux - les reptiles mammaliens- laissés il y a 230 millions d’ années lorsque ces étranges reptiles, proches des mammifères , venaient boire ici sur les rives marécageuses d’un lac !

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Quittez la Lieude, la petite route sinueuse s’élève pendant 4km, jusqu’au col de la Merquière.

Le col de la Merquière, est dédié à Mercure, le dieu des voyageurs. Vous pouvez si vous le souhaitez continuer votre voyage sur l’autre versant, dans une autre vallée celle du Vernoubrel qui comme le Salagou creuse son lit dans la ruffe, cette descente par la D8 est très intéressante, vous y verrez les affleurements de faciès conglomératiques de la ruffe et elle vous conduira jusqu’à la limite des Terres Rouges au petit hameau du … Mas Blanc !

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Peut-être cette traversée en voiture d’une ½ heure vous a donné envie de pénétrer un peu plus dans cette vallée du Salagou ? ….. et d' ignorer le lac, car il était un temps, où il n’existait pas où seulement un petit ruisseau serpentait au milieu des Terres Rouges.

LA HAUTE VALLEE DU SALAGOU , SPECTACLE DE LA NATURE

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Le col de la Merquière ! C’est ici que le Salagou prend sa source. De la route, en été , vous ne distinguerez même pas un filet d’eau mais la vallée se dessine devant vous, au cœur d’une remarquable page géologique.

" L'Univers est éternel, les mondes naissent et meurent, la mer avance et recule, ce qui est la Terre peut devenir la Mer, tout change tout le temps ". écrivait en son temps Aristote.

Vous avez sous les yeux, un paysage qui s'est fait et défait en près de 300 millions d'années, constitué de roches «  archives de la Terre » qui témoignent de son passé : ballet des mers et des continents au scénario complexe : roches souvent transformées, déformées, sculptures vivantes du décor, gardant aussi milles secrets à découvrir...

Ici au col de la Merquière, la nature vous permet d'assister à un véritable spectacle.

Le décor est planté, il est rouge et noir. Les ruffes permiennes plongent, plein Sud, devant vous dans la vallée du Salagou. A l'Est, descendant du signal de Brenas, les grès de base du Trias les recoupent franchement. A l'Ouest, le plateau basaltique de Carlencas les recouvrent. Neks, dykes, filons, intrusions de basalte parsèment le paysage. Un véritable livre de géologie s'ouvre devant vous, près de 300 millions d'histoire de la Terre sont offertes à vos yeux. La nature en est auteur et acteur à la fois, elle a créé le décor, écrit l 'histoire, joué tous les rôles d'un spectacle jamais achevé. Une page s'écrit devant vous, un nouvel acteur y participe Homo sapiens. Sans lui, ce décor n'existerait pas et ne serait que friche et vous ne profiteriez pas de la beauté et de la richesse de cet espace protégé. Eveiller notre regard à la nature c'est aussi se situer au cœur d'une prise de conscience de l'homme qui découvre aussi avec gravité son environnement menacé. Sachons la préserver et être passeur pour nos enfants et les générations futures.

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Un peu de géologie ! LA LIEUDE – PAYSAGE PERMIEN

Il était un temps, ou le lac du Salagou n’existait pas où seulement un petit ruisseau serpentait au milieu des Terres Rouges , des vignes et des herbes parfumées.

Les bergers des Vailhes, de Mérifons et des fermes aujourd’hui englouties dans les eaux du lac , menaient sur les bords paisibles du ruisseau paître leurs moutons dans cette belle plaine du Salagou.

Qu’a du penser monsieur Lugagne, il y a 60 ans, viticulteur à Octon, ou monsieur Ollier à la Lieude en 1963 quand ses moutons broutant le couvert végétal mirent à nu sur les belles dalles rouges d’étranges traces de pas , ces grandes empreintes en forme de pied d’éléphant ou de main à 5 doigts ? Sans le savoir, ils venaient de faire une immense découverte qui aujourd’hui fait la renommée de La Lieude et de Mérifons. Monsieur Lugagne , l’instituteur d’Octon montra ces traces à Monsieur Heyler du Museum de Paris. Les paléontologues accourent sur le site.

En 1983, sous la conduite de monsieur Paul Ellenberger plus de 800 empreintes fossiles furent dégagées, étudiées et finalement protégées sous un hangar de 800m2 construit en bordure de la petite route départementale. Comme un symbole au milieu de ces terres désertiques, les ruines du Castelas semblent garder ces traces émouvantes et si fragiles de notre patrimoine. Ici , il y a 260 millions, comme les moutons de monsieur Ollier, est venu s’abreuver Merifontichnus thalerus, cet étrange reptile plus vieux que les dinosaures .

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« Un poète doit laisser des traces de son passage , non des preuvres. Seules les traces font rêver » disait René Char.

Alors rêvons !

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Portons un regard de géologue sur ce paysage coloré de Mérifons. Faisons parler les roches , elles nous content la saga de Merifontichnus thalerus , et vont nous faire découvrir des paysages sortis du fond des âges géologiques. Les gens d’ici appellent ces roches rouges dominantes dans le paysage et qui font la beauté du Salagou :« LES RUFFES » du latin Rufus :rouge .

Les géologues les nomment pélites. C’est une roche à grains très fins et très légers , finement litée, à débits en plaquettes et petits lits verdâtres très durs, constituée essentiellement de minéraux argileux . Elle peut contenir un peu de quartz et de micas. Leur coloration en rouge est due à l’oxydation du fer contenue dans le sol au moment de leur formation. C’est une roche d’origine continentale caractéristique du Permien. Dernière époque géologique de la fin de l’ère Primaire.

Voici son histoire

*L’Ere Primaire avait commencé il y a –600 millions d’année, nous étions sous la mer et ceci pendant 210 millions d’ années. Au cœur de la Pangée, mère de nos terres, un océan s’était ouvert séparant deux continents, la Laurasia au Nord et le Gondwana au Sud, puis le mouvement s’inversa provoquant la collision des deux continents, ainsi sortirent des eaux, il y a –300 millions d’années, une chaîne de montagne appelée hercynienne (la Montagne Noire, le Caroux, l’Espinouse en font partis ainsi que nos vieilles montagnes d’Armorique, des Vosges et du Massif Central mais aussi l’Allemagne Centrale (le Harz) et les Appalaches d’Amérique du Nord. Ces sommets culminaient à 5000-6000m, c’étaient des montagnes jeunes – rien à voir avec notre Caroux tabulaire actuel- ils furent démantelés, érodés, en 50 millions d’années. Et ainsi, transportés par rivières et torrents se sont accumulés, ici, par subsidence ,aidées par le jeu des failles,3000m de sédiments argileux - les ruffes, résultat (ou plutôt résultant) de cette érosion. Par endroits, dans cette plaine inondable, l’eau pouvait stagner formant lacs et lagunes. Puis après avoir été ensevelies - par le retour de la mer- sous toute les roches de l’ère Secondaire, elles ne seront remises au jour et ne parviennent jusqu’à nous, qu’après une succession d’évènements géologiques qui ont au final modelé le paysage actuel**.

Balade géologique

Partons à la découverte de ces richesses géologiques si proches de chez nous . Partons pour une balade à partir du col de la Merquière (369m), on suivra le Salagou de sa source jusqu’à la Lieude (210m) et sa dalle paléontologique, dominée par les ruines du château Malavieille sur son neck volcanique que l’on atteindra par une courte ascension (373m). On terminera la boucle en rejoignant, en crête, le petit village de Brenas (421m), puis par la forêt ( point culminant 570m) le hameau de Vernazoubres (481m) et notre point de départ. Partons pour 5h de marche, 5 heures de découvertes , de surprises, de plaisirs butinés par ces belles journées de printemps fleuri.

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D’abord c’est à la naissance du Salagou que l’on assiste en descendant à travers les canyons miniatures creusés dans la terre rouge ou le ruisseau, de petites cascadettes en petites vasques , de méandres en méandres creuse son lit. Puis tout le long des sentes ce sont les traces, les indices, les témoins de l’histoire permienne que l’on rencontre.

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A cette époque géologique, dans un paysage dénudé comme aujourd’hui, le climat équatorial des temps carbonifères devenait progressivement tropical et sous la chaleur , pluies et saisons sèches alternaient et rivières, mares et marécages qui couvraient le sol s’asséchaient. Les grandes forêts houillères avaient disparu et furent remplacé par les Conifères primitifs. De nombreux insectes nouveaux apparaissent , coléoptères et libellules. Mais , c’est surtout le temps des reptiles , ces animaux qui parcourent les plaines arides et viennent s’abreuver près des rivières et marécages et y laissent leurs pas pour notre grand plaisir. Alors ici et là, découvrez, les figures de dessiccation sur le sol , les ripples marks ces anciennes rides de bord d’étangs, cherchez les impacts de gouttes de pluie, les débris végétaux, les racines fossiles et bien sur découvrez les pistes des petits reptiles mammaliens . Vous êtes arrivé à la Lieude !

Perché sur son neck de basalte il vous faudra grimper jusqu’aux ruines du château de Mérifons et penser une dernière fois à lui : Merifontichnus thalerus  en admirant à vos pieds la belle vallée du Salagou!

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LES VOLCANS DU SALAGOU

Le Rouge et le Noir, non ce n’est pas l’œuvre de Stendhal, dont il s’agit, mais ce sont les couleurs du paysage qui s’offre à nos yeux depuis le col de la Merquière, jusqu’aux berges du Salagou. Il y a , à peine 2 millions d’années , j’aurai pu assister ici à un véritable feu d’artifice , un extraordinaire bouquet final de l’histoire géologique de notre région.

C'est entre -2.5 et 1.5 millions d'années que la lave se répand sur une bonne partie des terres rouges du bassin de Lodève, des volcans explosent de toute part de l’Escandorgue au Cap d’Agde. La cause de ce phénomène réside dans le mouvement des plaques tectoniques : la plaque Africaine remontant vers les plaques Européennes.

Aujourd’hui, sous l’action de l’érosion, le paysage c’est transformé  offrant au regard un paysage paisible. Les coulées noires de basalte coiffent les plateaux .Les volcans ont disparu. En creusant les « ruffes » l’érosion laisse en relief leurs cheminées, dégage des murs de basalte. Rouge et noir, ici , on ne se lasse pas d’observer ce contraste de beauté et de couleur ,ces sculptures de la nature : necks, dykes « posés » sur les ruffes

Mais l’homme. n’est pas en reste ! Les pierres noires, les hommes les ont utilisées pour élever les murets de leur champ, les murs de leurs mazets, de leurs maisons, de leurs villages et même de leurs châteaux .

Le castellas de Malavieille ! L’image est saisissante , ce pan de mur , ultime ruine dressée sur son éperon de laves , puissance de l’homme anéantie , témoin de la précarité de notre règne, gardien fragile des traces vieilles de 250 millions faites dans la boue par Merifontichnus thalerus, maître en son temps, lui aussi, du Salagou ! 

**NDLR; cet article écrit à l'occasion des 50 ans du lac du Salagou, n'est pas un article scientifique même s'il contient quelques explications simples géologiques, il a pour but de vous inviter au voyage et de partir à la découverte de ce pays qui est le mie

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