1. Accueil
  2. Rechercher

UN JOURNAL, DES ARTICLES EPHEMERES, UNE ACTUALITE , lus ailleurs et à partager


Le blog de Christophe André

Eloge de la Nature et de la marche en pleine conscience

Picde Nore1.jpg

C’est un exercice étrange et passionnant, qui se déroule tous les matins, à 6h, dans les prairies et les sous-bois qui entourent le centre dans lequel je fais une retraite de méditation.

Cet exercice s’appelle la marche en pleine conscience : une marche très très lente, durant laquelle on s’efforce de se relier à toutes les sensations de son corps, au simple fait de poser un pied devant l’autre ; de se relier aussi à toutes les sensations offertes par la nature environnante : les odeurs, les sons, la température…

C’est un peu étrange au début, car on est surtout occupé à se freiner, à freiner l’automatisme de marcher vite et vers une destination. Là on avance lentement, et on ne va nulle part. Comme il fait beau à peu près toute la semaine de retraite, alors je marche souvent pieds nus dans l’herbe, et, ma vitesse étant à peu près celle d’un escargot, j’ai le temps de contempler les fleurs des champs. Je m’aperçois que ce qu’on appelle « herbe » c’est en fait une incroyable multitude de plantes variées.

Un matin, souffle un petit vent froid qui fait ployer les brins herbe. Je me demande s’ils ont froid comme moi, et je ne trouve pas saugrenu de me poser la question. Dans la journée je marche si doucement que je surprends souvent des lézards ou des grillons postés devant leur trou. Au fil des jours, j’ai un sentiment de proximité avec toute cette vie humble qui va croissant. Parfois, je m’arrête pour regarder au loin les arbres, ou le ciel et les nuages qui passent. Jamais je ne me suis senti aussi proche de la nature, et du monde…

Ah, la nature ! Le nombre d’études parues sur ses bienfaits, durant les 20 dernières années est presque aussi considérable que les destructions que nous lui infligeons depuis bien longtemps. Comme si nous réalisions, au moment d’une catastrophe écologique possible, à quel point cette nature qui nous entoure est un miracle, une chance, – que dis-je, une chance, une bénédiction ! Et surtout, une nécessité pour la survie de notre espèce.

Je ne ferai pas ici la liste de tous les bienfaits médicaux de la nature, je n’évoquerai pas la biophilie, cet instinct qui nous fait aimer les photos de nature même sur écran d’ordinateur, je ne parlerai pas du fait que la majorité des humains passent désormais beaucoup plus de temps devant leurs écrans que dans la nature (c’est certes plus compliqué lorsqu’on habite en ville, comme la majorité des habitants de la planète désormais).

Bref, je ne vais pas énumérer tous les dangers qui menacent aujourd’hui la nature, mais plutôt évoquer la meilleure manière de bénéficier de ses bienfaits. Écoutons Gustave Flaubert, dans cette lettre écrite en 1852 : « Hume bien l’air des bois cette semaine, et regarde les feuilles pour elles-mêmes ; pour comprendre la nature, il faut être calme comme elle. »

Flaubert n’avait pas fait de retraite de méditation dans la nature, comme celle dont je vous parlais tout à l’heure, mais il en évoque ici la contemplation. Contempler, c’est porter sur ce qui nous entoure un regard attentif et désintéressé. Notre rapport à la nature doit ainsi évoluer : ne pas seulement la considérer comme une source de nourriture, comme un cadre à nos loisirs, mais comme un objet sacré de contemplation.

« Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent, Nul n’aura comme moi si chaudement aimé La lumière des jours et la douceur des choses, L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes Ont plus touché mes yeux que les regards humains, Je me suis appuyée à la beauté du monde Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains. »

C’est beau, hein ? C’est un poème d’Anna de Noailles, poétesse admirée par Proust, qu’elle publia en 1901, il y a 120 ans ; si nous voulons que ce genre de poème puisse encore être écrit ou avoir du sens dans 120 ans, il va falloir nous bouger pour sauver la Nature, les amis…

PS : cet article reprend ma chronique du 26 avril 2022 dans l’émission de France Inter, Grand Bien Vous Fasse.

Oiseaux : dans nos jardins, une « hécatombe »

arton27491-215b3.jpg

L'agriculture intensive et l'artificialisation des sols (et donc la disparition des insectes) sont notamment en cause dans la disparition des oiseaux -- ici, un moineau. - Flickr / Philippe Rouzet / CC BY-NC-ND 2.0

Martinet noir, verdier d’Europe... En 10 ans, l’Observatoire des oiseaux de jardin a constaté un déclin de 41 % des populations au printemps, en France. Un comptage est organisé ce weekend : tout le monde peut y participer.

« C’est une hécatombe. Depuis dix ans, on constate un déclin de 41 % des populations françaises d’oiseaux au printemps », résume Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Ce chiffre, c’est celui calculé par l’Observatoire des oiseaux des jardins, un programme de sciences participatives lancé en 2012 par la LPO, le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et l’Office français de la biodiversité, qui parle d’un bilan alarmant. Plus surprenant : en hiver, c’est le contraire. Les comptages ont mis en évidence une augmentation des populations depuis dix ans. Ce n’est pas pour autant une bonne nouvelle : originaires des pays froids, Les oiseaux migrateurs s’arrêtent en effet chez nous, où il fait doux, au lieu de se fatiguer à descendre plus au Sud.

Pourquoi une telle disparition au printemps ? La présence du martinet noir, par exemple, s’est réduite de 46 % depuis 2013. Une baisse qui peut notamment s’expliquer par les réaménagements de façades dans les villes. « Cela obstrue les cavités, où nidifient les oiseaux », précise Allain Bougrain-Dubourg. Autre explication : la disparition des insectes, principale ressource alimentaire de cet oiseau au plumage sombre, en raison de la généralisation de l’usage des pesticides et de la dégradation des habitats naturels. Même cause pour le verdier d’Europe, dont la population a baissé de 46 % au printemps depuis 2013, ou les mésanges bleue et charbonnière (-17 %). « L’agriculture intensive est responsable, rappelle Allain Bougrain-Dubourg. Et ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’IPBES [la plateforme des Nations unies sur la biodiversité]. »

26073544614_81ec57cd04_k_1_.jpg Agriculture intensive et artificialisation des sols sont notamment responsables de la disparition des oiseaux. Celle du verdier d’Europe par exemple. Flickr / Philippe Roizet / CC BY-NC-ND 2.0

Le président de la LPO l’affirme sans détour : si nous voulons préserver ces populations, nous devons « revisiter notre mode de vie ». « C’est un changement de paradigme sur les thèmes de l’agriculture intensive, de l’artificialisation des sols... », énumère-t-il.

Des oiseaux migrateurs qui ne descendent plus au sud

À l’inverse, en hiver, la fauvette à tête noire enregistre une hausse de 57 % depuis 2013. C’est même + 83 % pour le chardonneret élégant.

« Cela s’explique parce que ce sont des oiseaux qui sont originaires du Nord ou des pays de l’Est, et qui viennent d’une certaine manière se réfugier chez nous », profiter d’hivers de plus en plus doux, indique Allain Bougrain-Dubourg. Au lieu de descendre davantage au Sud, et de se répandre dans les campagnes comme ils pouvaient le faire il y a quelques décennies, ils privilégient désormais les jardins dans les zones nordiques, où ils trouvent davantage de ressources alimentaires (insectes ou mangeoires artificielles installées par des amoureux des oiseaux).

« Au lieu de faire un long voyage risqué, ils restent dans les zones nordiques »

« En Grande-Bretagne, nos collègues ont constaté qu’il y avait de plus en plus de fauvettes à tête noire qui passaient l’hiver chez eux, raconte Benoît Fontaine, chercheur au Muséum national d’histoire naturelle. Ils ont réussi à relier ça au nourrissage : là-bas, il y a énormément de jardins avec des mangeoires. Cela a probablement modifié le comportement des fauvettes qui, au lieu de faire un long voyage risqué, restent dans les zones nordiques où elles sont sûres de trouver de la nourriture. Cela leur permet de revenir plus vite à leur zone de nidification au printemps. » À tel point que des modifications morphologiques sont observées chez les fauvettes qui restent au nord de l’Europe : un bec qui change de forme pour se nourrir plus facilement sur les mangeoires, dont la taille des ailes diminue…

Toutefois, prévient le chercheur, même si davantage d’oiseaux sont recensés en hiver, cela n’atténue pas la situation dramatique au printemps : « *L’hiver, il y a des interférences avec d’autres facteurs, liés notamment au changement de comportement des oiseaux. Alors qu’au printemps, on obtient les "vrais chiffres" des populations françaises d’oiseaux.** » Donc, un déclin de 41 % en dix ans.

Plus de six millions de données collectées

Ces données reposent sur les observations de simples citoyennes et citoyens. Mais leurs résultats confirment les tendances observées dans la nature par les ornithologues. Aujourd’hui, après dix ans d’utilisation, la LPO affirme que l’Observatoire est « le plus important dispositif français de sciences participatives impliquant le grand public ».

Chiffres à l’appui : alors que seulement 3 000 jardins étaient observés en 2012, ils étaient plus de 24 000 en 2022, répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain. En dix ans, plus de 85 000 participants ont été recensés. « Cela représente six millions et demi d’observations. On commence à engranger des données significatives », se félicite Allain Bougrain-Dubourg. « Ce ne sont pas des mesures au doigt mouillé, dit rappeler Bruno David, président du Muséum d’histoire naturelle. Tout ce dispositif s’appuie sur des protocoles scientifiques très rigoureux, qui permettent de construire des tendances. »

Un extrait de la fiche de comptage fournie par l’Observatoire des oiseaux de jardin.

PARTICIPER , MODE D'EMPLOI https://www.oiseauxdesjardins.fr/index.php?m_id=1127&item=18

Des protocoles rigoureux, mais volontairement simples : « On peut participer partout, se réjouit Marjorie Poitevin, responsable de l’Observatoire des oiseaux des jardins. Si on a un jardin ou un balcon à soi, à la ville, à la campagne, ou même dans un jardin public. C’est un programme qui est vraiment ouvert à tout le monde. »

Des outils d’aide à l’identification des oiseaux sont mis à disposition des participants. Ceux-ci doivent ensuite compter régulièrement les volatiles qui apparaissent dans leur jardin, et transmettre leurs observations sur la plateforme en ligne. Un prochain comptage officiel est organisé les samedi 28 et dimanche 29 janvier.

« Ces comptages sont très importants, parce que l’oiseau est un indicateur de l’état de la biodiversité, dit Allain Bougrain-Dubourg. Lorsque les populations d’oiseaux sont en nombre, c’est le cortège du vivant, les insectes, les mammifères, les batraciens, qui s’épanouit. En revanche, quand les oiseaux disparaissent, la biodiversité s’estompe. »

Les 10 bienfaits de la randonnée

couple-randonnee-montagnes_1098-16420.jpg

La randonnée offre de nombreux bienfaits pour la santé, aussi bien mentalement que physiquement.


1. La randonnée renforce le squelette

La randonnée stimule la formation du tissu osseux, ce qui la rend particulièrement intéressante pour les jeunes en pleine croissance (qui constituent leur capital osseux) comme pour les moins jeunes (elle diminue les pertes). Lorsque l'arthrose s'est installée depuis quelque temps, elle diminue les douleurs tout en maintenant la force musculaire.

2. La randonnée limite les risques cardio-vasculaires

Comme la plupart des activités sportives, la randonnée protège les vaisseaux et prévient ainsi les maladies cardiovasculaires. Elle diminue le risque de faire un diabète de type 2, fait chuter le taux de triglycérides (le mauvais cholestérol) et augmente le bon, et améliore la tension artérielle de façon modeste mais sensible. On observe aussi une baisse de mortalité de 25 à 35 % en cas de maladie coronarienne déclarée.

3. La randonnée lutte contre le surpoids et l'obésité

Associée à un régime, la randonnée en renforce les effets. Elle remplace de la graisse par du muscle. On évalue la consommation énergétique de la marche à environ 300 Kcal par heure en marchant à 4 km/h, sur le plat. 3 heures de marche consomment donc entre 1 000 et 1 700 Kcal, ce qui est recommandé comme consommation énergétique hebdomadaire minimale.

4. La randonnée libère la respiration Elle améliore le traitement des bronchites chroniques et l'asthme.

5. La randonnée entretient les muscles

Comme tous les sports d'endurance, elle participe au maintien d'une bonne condition musculaire.

6. La randonnée renforce le système immunitaire

Alors qu'une pratique sportive intensive diminue les défenses immunitaires, une pratique modérée comme la randonnée va les renforcer. Chez les personnes âgées, elle freine même leur déclin.

7. La randonnée fortifie le cerveau

L'activité physique, en oxygénant davantage le corps, participe au bon fonctionnement du cerveau. Cela peut être particulièrement utile dans le cas d'une récupération après lésion ou dans la lutte contre les maladies dégénératives.

8. La randonnée diminue les accidents

La randonnée diminue le risque de mort précoce de 30 % si l'activité est pratiquée au minimum 3 heures par semaine (si possible en plusieurs fois) à allure modérée ou 3 fois 20 minutes par semaine à allure plus soutenue.

9. La randonnée redonne le moral

La marche est le premier sport conseillé par les médecins en cas de dépression ou de baisse de moral, et cela ne doit rien au hasard. La randonnée détend et diminue la tension nerveuse ainsi que l'anxiété.

10. La randonnée éveille les sens

De plus en plus de guides de randonnées développent des balades dites « sensorielles », où les groupes sont invités à user de leurs cinq sens pour observer la faune et la flore qui les entourent. Randonner dans le désert, au coeur d'immenses plaines ou en milieu montagneux est un moment idéal pour entrer en communion avec la nature et éveiller ses sens.

"Ô la belle vie" s'installe à Gavarnie, berceau du pyrénéisme

Publié le 12/11/2022 à 08h52 Écrit par Marie-France Guiseppin .

C’est dans les Hautes-Pyrénées, à Gavarnie, que nous retrouvons Sophie Jovillard, en compagnie de Céline Bonnal, professeure et autrice de plusieurs ouvrages dédiés aux guides pyrénéens. Nous avons rendez-vous sur le plateau de Saugué à 1610 m d’altitude. Un endroit accessible et idéal pour admirer le cirque de Gavarnie et les sommets environnants. Un lieu où l’esprit du pyrénéisme plane encore.

636d25ea4b2e1_maxradiofr006825.jpg Au cœur du Parc National des Pyrénées, le cirque de Gavarnie est regroupé avec le parc espagnol du Monté Perdido. L’appellation "Pyrénées-Mont perdu" est un territoire transfrontalier, d’une superficie de 30 639 ha, classé Unesco depuis 1997 : "Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’ici, on ne raisonne pas en frontière (…), qui n’est finalement que géologique. Il y a un lien important entre la France et l’Espagne" précise Céline Bonnal à Sophie. Il faut savoir que pour permettre le commerce de part et d’autre des Pyrénées, les premiers passages existent entre les deux pays, depuis le Moyen Âge. "Il fallait survivre" raconte l’écrivaine, malgré le danger de s’aventurer dans les hautes montagnes.

Les débuts du Pyrénéisme

Conceptualisé en XIXème siècle par l’historiographe Henri Béraldi, l’idéal du pyrénéisme est défini par l’homme de lettres et de recherche comme "marcher, grimper, sentir et écrire". Même s’il est bien entendu possible d’être pyrénéiste de haut-niveau sans forcément laisser de trace … écrite. Le Pyrénéisme n’est-il pas avant tout une affaire de passion ? Le terme a suscité de vigoureux débats.

Nombreux sont ceux ouvrent la voie : certes des aventuriers, mais aussi botanistes, scientifiques, artistes, bergers, etc. Tous des montagnards dans l’âme. Et des hommes qui, depuis le XVIème siècle, ont fait de Gavarnie, le berceau du Pyrénéisme.

Les premiers des pyrénéistes sont des savants qui parcourent la montagne pour étudier la flore ou les structures comme par exemple le botaniste Philippe Picot de Lapeyrouse ou encore le géologue Pierre-Bernard Palassou. Ils sont aussi ceux qui vont donner une image romantique de la montagne comme Victor Hugo qui viendra faire en 1843 son "Voyage aux Pyrénées". Il y a le comte Henry Russel, écrivain et inventeur du pyrénéisme d’exploration, surnommé "le pape du pyrénéisme". "Ce sont des messieurs qui ont une certaine aisance sociale. Des Bordelais qui vont pouvoir engager des guides. Souvent des aristocrates" raconte Céline Bonnal à Sophie. Il y a aussi ceux qui, comme Henri Brulle "vont aimer le pyrénéisme de difficultés". Accompagné notamment du guide Célestin Passet, il va vouloir faire des premières très engagées "Des choses qui n’ont jamais été faites auparavant. De l’alpinisme, finalement" poursuit notre écrivaine.

A la mémoire des guides de haute montagne

En 1844, le Duc de Montpensier, fils du roi Louis-Philippe, de passage à Gavarnie, loge dans la maison du guide Henri Lacoste. Celui-ci lui fait découvrir son coin de montagne. Pour le remercier l’aristocrate lui facilite l’accès à un terrain pour un Louis d’or symbolique. Le guide construit alors une laiterie, puis une auberge, devenue la célèbre hôtellerie du cirque où ont séjourné les plus grands pyrénéistes.

Olivier Vergez, gérant, est la 7ème génération de sa famille à tenir l’établissement. Il vient de le rénover, à l’exception d’une pièce qu’il a laissée dans son jus : la salle des guides. Nous pénétrons à l’intérieur. L’esprit de la montagne y est toujours présent.

Au milieu de la pièce, la table sur laquelle se restauraient les guides est toujours là. A l’époque, les guides de haute-montagne ne partageaient pas leurs repas avec leurs clients. Sur les murs, des écrits, témoignages, signatures, photos, objets divers et variés, attirent notre attention. Un vrai livre d’or à disposition.

Céline Bonnal a dédié son travail d’écriture aux guides, mémoire historique de la montagne d'autrefois. Un peu oubliés de l’histoire pyrénéenne, elle raconte leur histoire dans ses livres. Son ouvrage "Les guides de Gavarnie et de la vallée de Barèges" publié aux éditions MonHélios, lui a demandé 4 ans pour recenser plus de 200 guides de montagne depuis le XVIIIème siècle. Un travail de longue haleine nourrit grâce à l’aide précieuse des descendants de guides de haute montagne, comme Maryse, arrière-petite-fille du réputé Henri Passet.

"Ô la belle vie : Gavarnie, le pyrénéisme en héritage". A voir le dimanche 13 novembre 2022, à 12h55. Emission présentée par Sophie Jovillard. Réalisé par Flo Laval. Une coproduction France 3 Occitanie et Grand Angle Productions.

Recevoir France 3 Occitanie

Sur la TNT : chaîne 3

Réception via l’ADSL d'Orange, SFR, Free, Bouygues Télécom, Numéricable et Darty

Votre installation vous permet de recevoir les 24 antennes régionales de France 3, en simultané, au choix selon vos envies.

Voici les canaux, qui différent en fonction de votre opérateur :

Orange SD : 317 et 314

SFR HD : 444 et 447

Free HD : 315 et 318

Bouygues Télécom Bbox : 483 et 486

Numéricable LaBox : 444 et 447

Darty Box : 305 et 310

Entretien — Climat

Un article de REPORTERRE

Automne trop chaud : « Le déficit d’eau mettra l’agriculture à mal en 2023 »

arton26747-98843.jpg

La France est parcourue d’une vague de chaleur inhabituelle pour l’automne. Les températures frôlent parfois les 30 °C. Un phénomène inquiétant pour les nappes phréatiques et la flore, selon le climatologue Roland Séférian.

Roland Séférian est ingénieur-chercheur au Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRS).

Reporterre — Nous assistons cet automne à une vague de chaleur, qui provoque des hausses de température jusqu’à 30 °C dans le Sud-Ouest. Quelle est la mécanique à l’œuvre derrière ce phénomène météorologique ?

Roland Séférian — Nous sommes dans une situation hors norme. Sur la deuxième moitié d’octobre, on constate des anomalies de température de l’ordre de +4 à +5 °C par rapport aux normales saisonnières. Ce phénomène est provoqué par un déplacement d’air chaud venant du Maghreb, qui se produit souvent dans des situations de blocage où l’anticyclone des Açores, qui se situe au niveau de l’Atlantique, empêche les dépressions d’arriver à l’automne sur l’ouest de l’Europe.

Cette situation aboutit à un air chaud qui transite du sud vers le nord et s’accumule. Si les sols étaient gorgés d’eau, cette chaleur aurait tendance à favoriser l’occurrence d’orages ou de nuages et à permettre à l’air de se refroidir. Mais là, les sols sont secs, ce qui accentue la sécheresse déjà provoquée par l’été que nous avons traversé. Ce manque d’eau, cumulé à cet air sec, renforce ce phénomène de sécheresse.

Comment se caractérise ce phénomène de sécheresse ?

Le phénomène que l’on observe en France n’est pas isolé. Aux États-Unis, 82 % de la surface des terres se trouve soumise à un niveau de sécheresse poussée. Ce sont les conséquences de ce que nous venons de vivre : un printemps très chaud, un été de feux et un automne très sec. Les ruisseaux étaient déjà au plus bas cet été, et nous sommes aujourd’hui dans une période d’étiage où les cours d’eau sont déjà au plus bas.

Nous nous retrouvons donc avec des sols très asséchés, dont les argiles vont avoir du mal à se réhydrater. Normalement, les nappes phréatiques, où nous puisons de l’eau pour tous les usages, devraient commencer à se recharger, mais ce phénomène va être enrayé vu la sécheresse actuelle.

Quelles seront les conséquences de cette situation hors norme ?

Ses impacts vont se répercuter en 2023. Nous allons démarrer l’année avec un déficit dans les nappes phréatiques, ce qui mettra à mal tous les pans sectoriels de notre société basés sur des prélèvements d’eau, particulièrement l’agriculture.

La végétation va également en subir les conséquences. Nous sommes à la fin du cycle végétative où la flore se prépare à résister à l’hiver. Elle est fragile durant cette période. Tout stress météorologique — comme un vent régulier qui assèche les plantes — peut aboutir à la mortalité accrue de la végétation et empêcher son redémarrage au printemps prochain.

Il va aussi y avoir un impact sur les nuisibles, les organismes ravageurs présents dans le sol et les eaux. La baisse des températures est le principal mécanisme de régulation des insectes qui dévorent les récoltes. En hiver, leurs œufs meurent. Un automne particulièrement chaud est un cocktail inquiétant qui risque d’aboutir à la recrudescence de ces nuisibles lors du redémarrage de la végétation.

Ce phénomène météorologique est-il une conséquence du dérèglement climatique ?

Le phénomène n’est pas nouveau, il y a eu par le passé des automnes ou des hivers plus chauds que la normale. Cependant, le consensus scientifique que l’on retrouve dans les rapports du Giec [1] est très clair. À cause du réchauffement climatique, des phénomènes de cette nature vont devenir plus fréquents, plus intenses ou plus longs.

Tribune — Luttes

Paysans, nous sommes résolument contre les mégabassines

un article de REPORTERRE

arton26737-b1a48.jpg

La lutte contre les mégabassines, une lutte contre les agriculteurs ? Surtout pas, assurent des paysans dans cette tribune. Ils appellent à transformer nos pratiques agricoles pour préserver la nature et non l’exploiter.

Ce texte a été écrit par les confédérations paysannes des départements concernés par les
 mégabassines (Vendée, Vienne, Deux-Sèvres, Charente) et la Confédération paysanne nationale. 150 associations et collectifs, dont la Confédération paysanne, appellent à une grande manifestation les 29 et 30 octobre à Sainte-Soline (79) pour stopper un énorme chantier de construction de mégabassine. L’action a été interdite par la préfecture mais des rassemblements, légaux, sont toujours prévus.

Nous, paysannes et paysans de Charente, Vendée, Vienne, Deux-Sèvres, produisons et cultivons sur des territoires aujourd’hui menacés par l’apparition des mégabassines. Depuis nos fermes et face à l’urgence climatique, nous demandons l’arrêt immédiat de la construction de ces cratères bâchés de 5 à 16 hectares dédiés à la survie d’un modèle agricole anachronique qui assèche les sols.

Les promoteurs des mégabassines arguent qu’il faut bien nourrir la population et que les mégabassines sont d’utilité publique… C’est faux. Ce n’est qu’une nouvelle affabulation, après avoir fait croire qu’elles se remplissaient avec de l’eau de pluie, sans pompage dans les nappes phréatiques ! [1]. Face au manque d’eau critique, notre profession va devoir relever le défi de continuer à assurer une production nourricière et locale. Mais les mégabassines ne sont pas la solution !

Ces dispositifs privatisent en réalité un bien commun au profit d’une minorité d’agriculteurs inféodés au système agro-industriel. Sur le bassin Sèvre niortaise-Mignon, il existe 2 000 exploitations agricoles. Seules 200 à 300 d’entre elles sont irrigantes (beaucoup d’agriculteurs cultivent du blé, du tournesol, du millet, des lentilles, etc., sans besoin d’irrigation) et, parmi celles-ci, 103 uniquement sont connectées sur les 16 bassines en projet. 5 % des exploitations vont donc accaparer l’eau au détriment des autres usages agricoles et non agricoles !

« 5 % des exploitations vont accaparer l’eau »

Cette privatisation se fait de plus au détriment de notre souveraineté alimentaire. L’eau pompée dans les nappes phréatiques pour les mégabassines est destinée avant tout à l’irrigation du maïs, inadapté à nos régions et cultivé en partie pour être exporté ou vendu aux producteurs d’aliments industriels. Le tout maïs est l’incarnation d’un système absurde écologiquement et économiquement produisant des céréales en quantité pharaonique pour engraisser des animaux d’élevage en bâtiment, dont la part d’herbe dans l’alimentation a été réduite au minimum. Et même si la part de maïs tend à diminuer parmi les surfaces irriguées, c’est au profit d’autres cultures industrielles ou de cultures qui n’étaient pas irriguées auparavant : céréales à pailles, semis arrosés pour faire lever des cultures de printemps, voire du colza à l’automne…

En pompant l’eau l’hiver, les 5 % d’irrigants connectés aux mégabassines ne seront en outre plus limités par les arrêtés sécheresse et vont ainsi hypothéquer le peu d’eau que l’on aura dans nos rivières et nos nappes, aux dépens des autres agriculteurs et des besoins en eau potable de la population.

Ce système est, depuis des décennies déjà, partie prenante du manque d’eau chronique sur nos territoires. Dans la course au productivisme, le bocage a laissé place à la plaine. Les haies ont disparu. Les prairies, qui servaient de pâturage et stabilisaient les sols, retenaient l’humidité et hébergeaient une multitude d’êtres vivants, ont été remplacées par de vastes étendues céréalières drainées, qui ne sont plus fertiles sans engrais ni pesticides. Dans le Marais poitevin, plus de la moitié des prairies naturelles ont disparu au profit de cultures depuis les années 1980. Sa production « intensive » est aussi à mettre en balance avec la pollution durable des sols et des eaux, et la baisse drastique de la biodiversité animale et végétale.

En réalité, cette agriculture sape depuis plusieurs décennies les conditions de sa reproduction et donc de notre alimentation. Les agriculteurs, dépendants de la politique agricole commune (PAC) économiquement, sont victimes de choix politiques désastreux. Nous n’oublions pas non plus que des maladies liées aux pesticides comme Parkinson ou le cancer de la prostate sont reconnues comme maladies professionnelles.

« L’argent public ne doit pas servir à sauver un modèle insoutenable »

Face au réchauffement climatique et à la dégradation des conditions de vie sur Terre, nous devons réfléchir à transformer nos pratiques agricoles pour préserver les paysages, l’eau et la nature au lieu de les exploiter jusqu’à épuisement. L’utilisation de l’eau doit être repensée de façon ciblée sur des productions nourricières et locales pourvoyeuses d’emploi, comme le maraîchage. Tout comme la production industrielle de viande : nous devons réorienter nos élevages vers des systèmes vertueux herbagers moins dépendants de l’apport en céréales. En accord avec les capacités de la ressource, le stockage de l’eau pour l’irrigation est possible avec, par exemple, de petites retenues remplies uniquement par ruissellement des eaux de pluie ou à partir des eaux de surface et des rivières en période de crue.

arton26712.jpg L’eau pompée dans les nappes phréatiques pour les mégabassines (ici, celle de Mauzé-sur-le-Mignonn, dans les Deux-Sèvres) est destinée avant tout à l’irrigation du maïs. © Delphine Lefebvre / Hans Lucas / via AFP

L’argent public doit servir à favoriser ce changement de pratiques et non à sauver un modèle insoutenable.

L’accaparement de l’eau et le type d’exploitation qu’il promeut renforcent encore les processus déjà à l’œuvre d’accaparement des terres et de disparition des petites fermes. Alors qu’il est plus que jamais urgent que les alternatives paysannes se développent, les politiques agricoles ne cessent de favoriser l’agrandissement d’exploitations non transmissibles à des nouveaux installés. À qui vont aller des infrastructures devenues démesurées et inaccessibles financièrement sinon à des industriels ou des investisseurs ?

Les mégabassines ne sont pas un combat entre écologistes, d’un côté, et agriculteurs, de l’autre, mais bien le symbole d’un choix à effectuer entre deux visions de l’agriculture, entre deux futurs possibles pour nos territoires. Notre part dans ce combat, nous la prenons déjà au quotidien par notre pratique paysanne, mais nous savons que le tournant nécessaire ne surviendra pas sans mobilisations larges et déterminées de la société civile.

Chronique

Par Celia Izoard 25 octobre 2022 un article de REPORTERRE

Nous n'avons pas besoin d'ouvrir des mines en Europe

arton26673-a3a29.jpg La mine de cuivre et molybdène de Kajaran, en Arménie. - CC BY-SA 4.0 / Serouj (courtesy of Pan-Armenian Environmental Front) /Wikimedia Commons

L’Union européenne voit dans la production domestique de métaux précieux un impératif stratégique. Pour notre chroniqueuse, il s’agit d’une fuite en avant vaine et polluante d’un monde qui refuse toute alternative.

Le récent discours prononcé à Prague par le vice-président de la Commission européenne chargé de la prospective vaut le détour. Écoutons-le, ne serait-ce que parce qu’il cite Margaret Thatcher, ce qui n’est jamais bon signe. « Il n’y a pas d’alternative », a ainsi martelé Maroš Šefčovič le 12 septembre lors de la conférence européenne sur la sécurité des matières premières : il faut de toute urgence ouvrir des mines en Europe. Pourquoi ? « Pour construire l’économie décarbonée et numérique à laquelle nous aspirons tous », et pour assurer nos « capacités de défense militaire ».

L’Europe devrait sécuriser son « autonomie stratégique » face aux monopoles chinois sur les métaux et à une production minière russe en pleine expansion du fait de son influence grandissante en Afrique. Pour ce faire, la Commission prépare un projet de loi sur les métaux critiques. Mais il faudra convaincre les populations d’accepter ce boom minier européen sur leurs territoires. Comme l’a expliqué le vice-président, le sujet est « socialement sensible » et nécessite « un nouveau contrat social autour des matières premières ».

lithiummmmm.jpg La mine de lithium du Salar de Uyuni, en Bolivie. L’Europe n’en produit quasiment pas, malgré les gisements existants et une demande en forte augmentation. BY-SA 2.0 / Coordenação-Geral de Observação da Terra/INPE / Flickr via Wikimedia Commons

« Un nouveau contrat social autour des matières premières », voilà qui paraît hautement nécessaire, en effet. Car les projets industriels dans lesquels nous ont embarqué nos dirigeants reposent tous sur une multiplication fulgurante de la demande en métaux. La production en masse de véhicules électriques personnels, par exemple. Une équipe de recherche du National Science Museum a calculé que pour convertir à l’électrique tout le parc de véhicules de l’Angleterre, il faudrait l’équivalent de deux fois la production mondiale actuelle de cobalt, les trois quarts de la production mondiale de lithium, et la moitié de la production mondiale de cuivre.

Impasses

Les écoliers pourraient résoudre le problème suivant : « À partir de ces chiffres, indiquez combien de fois la production mondiale de cobalt, de lithium et de cuivre sera nécessaire pour produire suffisamment de batteries pour l’ensemble du parc de véhicules européen ? Sachant que le parc de véhicules européen ne représente qu’un tantième du parc mondial, ce projet est-il viable ? » Non, répondraient probablement les écoliers, il faudrait plutôt renoncer à une grande partie de nos véhicules pour lutter contre le réchauffement climatique.

On aboutit à ce même genre d’impasse si l’on prétend extraire des métaux pour obtenir suffisamment d’énergies renouvelables, non pas pour faire tourner nos dix ampoules, le frigo et la pompe du jardin, mais pour produire en masse de l’hydrogène vert pour alimenter des usines d’engrais, des cimenteries et des millions de camions de livraison. Non pas pour éclairer l’école et faire tourner l’hôpital, mais pour faire fonctionner la 5G et produire des milliards d’objets connectés.

Ce à quoi nous aspirons tous ?

Car, selon Maroš Šefčovič, il faudrait accepter ce boom minier européen pour construire « l’économie numérique à laquelle nous aspirons tous ». De fait, le secteur numérique est celui qui consomme la plus grande variété de métaux, dont les terres rares et autres métaux de spécialité utilisés pour doper les propriétés des appareils. Les équipements électriques et électroniques engloutissent chaque année trois millions de tonnes de cuivre et la moitié de l’argent métal produit dans le monde. La moitié de la production mondiale de tantale est utilisée pour produire des condensateurs, la fibre optique nécessite près d’un tiers de la production mondiale de germanium, etc.

L’économie numérique « à laquelle nous aspirons tous » ? Il paraît urgent au contraire de se demander qui aspire à quoi. Car à l’évidence, ce ne sont pas les serveurs de Wikipédia qui font exploser la demande en énergie et en métaux du numérique. En revanche, le pilotage de la santé, de l’éducation ou de l’aide sociale par l’intelligence artificielle répond-il à une aspiration profonde ? Les parents ont-ils demandé à lutter chaque jour contre l’emprise de la vidéo en ligne et d’Instagram pour éduquer leurs enfants ? Combien de data centers, de milliers de serveurs et de tonnes de métaux supplémentaires seront nécessaires pour qu’on puisse accéder aux frissons du porno sur le métavers ? La Déclaration de Versailles adoptée par les chefs d’État européens en mars 2022 place d’ores et déjà la future 6G au rang des « technologies-clés ». Est-ce vraiment « ce à quoi nous aspirons tous », alors que la Convention citoyenne pour le climat avait exigé en vain un moratoire sur la 5G ?

vroumine.jpg Paysages creusés et camions de déchets : les ravages concrets de l’industrie minière. CC BY-SA 3.0 / Sara Anjargolian / Wikimedia Commons

Enfin, pour le vice-président de la Commission européenne, il faut créer des mines pour produire l’armement nécessaire au « maintien du statut géopolitique de l’Union européenne ». Autrement dit, il faudrait disposer de métaux stratégiques pour que Safran puisse produire ses drones tactiques, ses systèmes de visée et ses interfaces homme-machine. Pour que Thalès puisse développer son cloud de défense et ses systèmes de reconnaissance biométriques.

Selon le dirigeant européen, il en va de la sécurité des peuples européens. Mais on pourrait considérer à l’inverse que cette course à l’armement, qui alimente la ruée minière, menace profondément notre sécurité. Pourquoi ? D’une part, parce que la production de ces armes répond avant tout à des objectifs économiques : elles sont exportées dans le monde entier et outillent nombre de dictatures. D’autre part, parce que la course aux métaux est en train de devenir l’une des principales cause des guerres.

Consommation massive d’eau

Les projets industriels que toutes les grandes puissances mondiales déclinent à l’identique créent une tension grandissante : il n’y aura jamais assez de mines et de métaux pour que la Chine, les États-Unis, l’Europe et la Russie puissent produire chacune leur parc de véhicules électriques, leur infrastructure de big data, leurs constellations de satellites et leur armement, même en systématisant le recyclage, même en ouvrant des mines en Europe et partout ailleurs dans le monde.

Enfin, parce que les teneurs des mines actuelles sont devenues si faibles que le traitement des métaux nécessite des quantités d’eau considérables : une grande mine de cuivre peut en consommer 40 millions de mètres cubes à l’année. Or 70 % des mines des six plus grandes entreprises mondiales sont situées dans des zones qui manquent d’eau. La demande en métaux va donc se heurter à des tensions croissantes, y compris en Europe. Dans dix ans, comment alimentera-t-on malgré la sécheresse les mines de cuivre du Sud de l’Espagne ou du Portugal ? bram-van-oost-wihlnrqsysc-unsplash.jpg

Des voitures autonomes et le fatras de composants électroniques qui les accompagne, est-ce vraiment ce à quoi nous aspirons ? Unsplash /Bram Van Oost

Le « nouveau contrat social autour des matières premières » que préparent les dirigeants européens pour accélérer les projets miniers ressemble donc à un conditionnement des opinions publiques que l’on prétend soumettre à des intérêts supérieurs artificiels. Le discours de Šefčovič illustre cette tentative de faire de la course aux métaux en Europe une nécessité impérieuse justifiée par la lutte contre le réchauffement climatique, la numérisation et la sécurité. Mais dans les trois cas, ce sont les intérêts des industries européennes qui sont défendus.

Ces intérêts ne justifient ni le saccage des territoires européens par les sites miniers, ni le saccage des pays producteurs du Sud. Car dans tous les cas, la demande en métaux est telle qu’elle implique une extraction européenne et mondiale, et non une relocalisation des sites. Ainsi la Commission et la Banque mondiale encouragent-elles des partenariats internationaux autant que des projets continentaux.

N’y a-t-il pas d’alternative ? Doit-on construire des mines pour alimenter les gigafactories de Volkswagen, la Tesla de tonton, les data center des « États-plateformes » et les drones de la gendarmerie ? L’objet de la politique est justement de réintroduire des alternatives là où on prétend qu’il n’y en a pas, de réinjecter de l’analyse et du débat dans ces faux impératifs. Si les Européens veulent se confronter à leur dette environnementale à l’égard du reste du monde, ils et elles doivent dénoncer les projets industriels de leurs classes dirigeantes et de leurs entreprises, dont les besoins en métaux contribuent au déclenchement de cette ruée minière mondiale.

Dans l'Hérault, la naissance sous haute surveillance de tortues caouannes

arton26289-306a9.jpg

Une jeune tortue caouanne. - CC BY-SA 4.0 / GTCP, photo by Kimberly Nielsen / Wikimedia Commons

Après plus de cinquante jours d’incubation sous la protection de bénévoles, les tortillons caouannes de la plage du casino, à Valras, sont enfin nés et ont rejoint la mer.

Valras-Plage (Hérault), reportage

Discrètement, les tortillons sont sortis du sable. En cette fin de journée du 7 septembre, le ciel gris et la mer encore gonflée des orages de la veille n’invitaient pourtant guère à la baignade. Un instant magique pour Jean-Michel, du Centre d’étude et de sauvegarde des tortues marines de Méditerranée (CESTMed), le premier à avoir vu la quarantaine de bébés tortues sortir de leur nid et gagner la mer, « à la queue leu leu et en pleine forme », bien décidées à vivre. Immédiatement, c’était le branle-bas de combat parmi les bénévoles présents sur le site. Quant aux nouveau-nés, ils ont jeté leurs 25 grammes à l’eau et ont pris le large, sans s’inquiéter de l’agitation qu’ils provoquaient autour d’eux.

Le miracle a commencé le 17 juillet dernier dans la nuit. Une tortue caouanne — Caretta caretta pour les intimes — a choisi Valras-Plage pour y pondre ses œufs. C’est Alain qui a remarqué depuis le boulevard l’intrépide tortue grimper sur la plage. « Elle a fait quelques mètres tout droit pour ensuite tourner sur sa droite. Là, elle s’est posée et elle a commencé à creuser un vrai tube ! 45 minutes après, elle pondait. Avec mes enfants, on a vécu un truc extraordinaire ! » Ni les lumières du casino ni les enrochements mis en place contre l’érosion n’ont dissuadé l’animal de choisir cet endroit. Il est admis que les femelles adultes viennent pondre leurs œufs sur la plage où elles sont elles-mêmes nées, ou sur un rivage voisin. Alors pourquoi ici ? « Il est possible que la surchauffe des eaux de la Méditerranée cet été ait perturbé la tortue dans son choix du lieu de ponte. Mais ce n’est qu’une hypothèse », dit Théo, du CESTMed. index.jpg

Des protections ont été installées sur la plage, autour du lieu de ponte. © Franck Soler / Reporterre

Durant toute la période d’incubation, le site a été surveillé jour et nuit par les bénévoles de trois associations, Sea Shepherd France, le CESTMed et les Orpellières. « Il y a plus d’une centaine de bénévoles mobilisés. Deux à huit personnes se relaient en permanence sur le site. C’est un gros effort pour nous, mais il en vaut la peine. La présence de ce nid nous rappelle que la Méditerranée est bien vivante », explique Kevin, de Sea Shepherd. La municipalité de Valras s’est également investie dans le dispositif de sécurité et de suivi mis en place autour du site. « Certes, on a été surpris mais ensuite, il n’y a pas eu de réticence pour intervenir et notamment pour fermer une partie de la plage alors que nous sommes en plein été », dit le maire, Daniel Ballester. Parmi les bénévoles, une élue valrasienne avoue avec émotion : « C’est un vrai cadeau qu’elle nous a fait, cette tortue, de venir pondre ici. » Wprcz3dZums3Y3Ibkh89dVeG4GmnqoKgeSAmgWbx.jpg

Seules trois pontes de tortues caouanne ont pu être observées sur les côtes méditerranéennes françaises, À Villeneuve-les-Maguelone (Hérault), Fréjus et Saint-Aygulf (Var). Pour Théo, ces dernières années, le phénomène n’est pas si rare : « Ce qui est exceptionnel, sur une plage très fréquentée comme ici, c’est d’avoir pu repérer la tortue au moment de la ponte et d’avoir pu rapidement protéger son nid. » Caretta caretta est encore bien présente en Méditerranée mais l’espèce est aujourd’hui très menacée, à la fois par la pêche industrielle, le braconnage et la pollution plastique. « 90 % des tortues adultes que nous récupérons en centre de soins ont du plastique en elles et cela peut représenter jusqu’à 14 grammes par individu. »

Samedi 10 septembre, l’excavation du nid a permis aux scientifiques de comptabiliser le nombre de naissances : quatre-vingt-quinze tortillons sont sortis de leur coquille et deux sont mort-nés. Par ailleurs, seize œufs n’étaient pas fécondés. Tout a été mis en œuvre pour que l’émergence des tortillons se déroule le plus « naturellement » possible.

Difficile d’y croire quand, dans cette nature chamboulée, la survie tient du miracle. Seul un tortillon sur mille arrive à l’âge adulte. Mais cette cruelle réalité n’empêche pas l’émerveillement ni la mobilisation. Aussi Kevin se veut positif : « Cet événement réveille nos consciences et nous rappelle nos responsabilités vis-à-vis de la Méditerranée et du monde marin en général. »

Un Grand Chemin de randonnée entre le lac d’Avène et le lac du Salagou

INAUGURATION LE DIMANCHE 25 SEPTEMBRE

Ce circuit GR de Pays Entre deux lacs Avène Salagou permet de découvrir deux lacs différents l’un de l’autre mais complémentaires d’un point de vue paysager. Ambiance forestière au Nord avec la forêt domaniale des Monts d’Orb, et décor unique caractéristique du Cœur d’Hérault au Sud où les roches rouges appelées « ruffes » sont omniprésentes. Les calcaires dolomitiques blancs du cirque de Mourèze viennent compléter ce tableau saisissant.

Ce parcours balisé présente trois composantes : le tour du lac du Salagou (2 jours pour 32km), le tour du lac d’Avène (2 jours – 33km) et le linéaire « Le sentier des deux lacs » (3 jours – 46 km) qui fait la jonction entre ces deux sites et donne une identité forte à l’itinéraire.

Cette configuration singulière a l’avantage d’offrir plusieurs possibilités de cheminement au randonneur selon son niveau et ses envies. 

La thématique de l’eau est au cœur de cette itinérance originale qui propose une grande variété de paysages et de patrimoines dans un périmètre restreint.

A voir

P1110298-JPG.jpg

Autour du lac d’Avène : un environnement forestier préservée et géré par l’Office National des Forêts, la commune d’Avène réputée pour sa station thermale, le village médiéval de Ceilhes-et-Rocozels, le plan d’eau du Bouloc et les points de vue, au Col Vert, au sommet du Mont Redon et du Peyreguille. P1170305-JPG.jpg Sur le sentier des deux lacs : un patrimoine dédié à l’eau (puits, fontaines, lavoirs…), les nombreux points de vue, le patrimoine religieux et les villages typiques de Joncels (vestiges d’une abbaye bénédictine), Lunas, Dio (château), Brenas et Octon. P1170380-JPG.jpg

Autour du lac du Salagou : un patrimoine bâti unique avec l’emblématique hameau de Celles, le village médiéval de Mourèze et son cirque géologique, le splendide panorama à 180° depuis le sommet du mont Liausson sur le lac et la vallée, le village « perché » de Liausson et son belvédère, les caveaux viticoles. DSC01767-JPG.jpg

L'itinéraire

grp-entre-deux-lacs.jpg

L'inauguration

L’inauguration aura lieu à 11 h 30 à Brenas, place de l’Eglise. Deux circuits seront proposés à cette occasion : une boucle facile autour du village et un circuit plus difficile sur le nouveau GR® de Pays entre Celles et Brenas.

Programme

  • 7h30 : Accueil des randonneurs à Celles
  • 8h : Départ de la randonnée
  • 11h30: Arrivée à Brenas, inauguration, apéritif offert, repas tiré du sac.
  • De 14h à 15h30 : Navette vers Celles, toutes les 30 minutes. Sur réservation.

Technicité de la randonnée :

Distance : 13km. Durée : 3h30. Difficulté : Difficile pour randonneurs habitués. Dénivelé : +548 m.

Organisé par la FFRP, les Communautés de communes du Clermontais, Grand Orb et Lodèvois et Larzac, le Syndicat Mixte de Gestion du Salagou, le département de l'Hérault, Hérault Tourisme, Hérault Sport.

François Sarano : « L’emballement autour du béluga était indécent »

  • Par Emmanuel Clévenot -11 août 2022- un article de Reporterre*

arton26046-94d7f.jpg

Des vétérinaires s'occupent du béluga échoué dans la Seine, le 9 août 2022. - © AFP/Jean-François Monier

Le béluga perdu dans la Seine a suscité un émoi « indécent », dénonce l’océanographe François Sarano. Pour lui, la mort de milliers d’autres cétacés et animaux chaque année reste invisibilisée et déresponsabilisée.

Océanographe, François Sarano a navigué treize années à bord de la Calypso, accompagnant le commandant Cousteau dans ses plus folles expéditions. Il est un plongeur hors pair, spécialiste des cétacés.

ReporterreLe béluga égaré depuis plus d’une semaine dans la Seine est mort le 10 août. Quel est votre sentiment face à l’emballement médiatique qu’a suscité cette histoire ?

François SaranoC’est indécent. J’ai le sentiment qu’on amuse les gens. Je ne dis pas que le sort de ce béluga n’était pas important, mais il est complètement disproportionné. Depuis cinquante ans, les associations essaient d’attirer l’attention sur les dégâts considérables que nous provoquons dans les écosystèmes. Chaque jour, nous sommes responsables de la mort de centaines de cétacés et autres animaux marins et terrestres. Si les personnes s’apitoyant sur le sort de ce béluga renonçaient à manger du Nutella, elles épargneraient la vie de dizaines d’orangs-outans à qui l’on détruit les forêts pour cultiver l’huile de palme. Et lorsqu’elles mangent un hamburger, pensent-elles aux centaines d’hectares de déforestation provoqués en Amazonie ? Soyons sérieux une seconde.

Si tout d’un coup, ce béluga avait été un facteur déclenchant nous permettant de réaliser que notre consommation irresponsable tue chaque seconde des animaux... alors formidable ! Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. S’il avait finalement été remis dans un aquarium ou à la mer, tout le monde aurait applaudi. Nous détruisons la planète au quotidien et, tout d’un coup, on trouve cela dramatique.

Sans parler des moyens qui ont été déployés pour tenter de sauver l’animal. On a mobilisé le ban et l’arrière-ban, pendant qu’à nos portes, en Méditerranée, des centaines de nos frères humains se noient. On refuse de les accueillir, des associations comme SOS Méditerranée peinent à se faire entendre... Toute cette disproportion m’écœure.

Le mystère de son intrusion dans la Seine reste entier. Aux yeux de la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, il a pu être désorienté par la pollution sonore du chantier éolien au large de Dieppe. Que pensez-vous de cette hypothèse ?

Elle a raison d’évoquer les pollutions sonores. Seulement, le béluga ne s’était pas perdu à Dieppe. Il était déjà paumé avant d’arriver en Écosse. Cette espèce vit habituellement dans les régions arctiques et subantarctiques. De nombreux clans sont présents dans l’estuaire du Saint-Laurent, au Canada, ou encore au nord du Groenland. Ils s’aventurent très rarement plus au Sud, le long des côtes américaines, et encore moins ici, le long des côtes françaises ou dans la Seine. C’était tout à fait anormal.

Comment expliquer qu’il se soit retrouvé là, à plusieurs milliers de kilomètres des siens ?

Les animaux migrateurs, dont le béluga, se servent beaucoup de leur sens du magnétisme pour s’orienter. Or, depuis une décennie, le pôle Nord magnétique migre de 50 kilomètres vers l’Est chaque année. Un déplacement très rapide, lié au mouvement interne du magma. Il y a quelque temps encore, il se trouvait côté canadien, et le voilà désormais en Sibérie. Les animaux s’orientant grâce à ce pôle peuvent alors être désorientés de quelques degrés. Une petite différence qui, sur des milliers de kilomètres, les conduira irrémédiablement vers une autre région du monde, car les animaux ne reviennent jamais en arrière. S’ils se trompent de route, ils tentent de trouver une solution vers l’avant... au risque de se perdre.

Le magnétisme terrestre peut aussi être modifié localement par les remontées de magma. La récente prééruption d’un volcan en Islande a potentiellement induit en erreur ce béluga qui passait dans les environs. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est sérieuse. Les ornithologues en savent quelque chose, cela arrive très fréquemment chez les oiseaux.

Par ailleurs, il peut y avoir eu des exercices militaires dont nous ignorons la teneur, dans la région canadienne ou la région arctique. Les sonars des sous-marins, et surtout ceux des chasseurs de sous-marins, sont extrêmement puissants et perturbants pour tous les cétacés. Toutes les 30 secondes, ils sont harcelés par une sorte d’alarme, équivalente à celle d’une maison, juste à côté de leurs oreilles. C’est hallucinant.

La modification des courants marins, liée au réchauffement climatique, peut-elle aussi être à l’origine de la déroute du béluga ?

Oui. Dans les régions polaires, sous la glace, l’eau est extrêmement froide et salée, ce qui la rend lourde. Elle coule donc vers le fond marin, ce qui induit tout un mouvement des eaux de surface vers le Nord pour compenser ce manque. Sauf qu’avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, ce phénomène se fait plus rare et les courants marins sont modifiés. Ajoutez à cela les changements de densité de l’eau, et les cétacés, qui s’appuient sur la saveur et les mouvements de l’eau pour se déplacer, se retrouvent désorientés.

Il y a aujourd’hui toutes sortes de bouleversements, à la fois liés à des causes magnétiques, purement internes à la Terre, et à des perturbations humaines. Et n’oublions pas une autre hypothèse : ce béluga était peut-être simplement à la recherche de nourriture, parce que nos chalutiers géants ont dépeuplé les mers et continuent à ravager des zones, où un certain nombre de ces animaux vont mourir.

Une baleine grise de l’océan Pacifique observée en Méditerranée en mai 2021, une orque aperçue dans la Seine en mai dernier.... Ces anomalies seront-elles plus fréquentes ?

Je ne peux pas répondre. Cela reviendrait à se demander si, au lendemain de deux accidents consécutifs d’avion, un troisième allait se produire. Dans toutes les espèces de cétacés, certains individus plus indépendants que les autres partent parfois en exploration. Chez les dauphins, on appelle ça les ambassadeurs. Ils sont en quelque sorte des Marco Polo de leur espèce.

De tout temps, la colonisation du monde par les animaux est en partie passée par là. Les animaux s’installent dans de nouvelles régions, fondent de nouvelles colonies et deviennent parfois de nouvelles espèces. Il s’agit soit d’individus rejetés par leur famille, soit d’individus s’isolant eux-mêmes, en quête d’indépendance.

Seulement, lors de leurs déplacements retour, il arrive qu’ils soient induits en erreur si les conditions du milieu ont changé. Cela conduit alors à des échecs, au même titre que les explorations humaines desquelles certains ne sont jamais revenus, faute d’avoir accosté dans des contrées hospitalières.

dcc.jpg Béluga dans un aquarium. [Pxhere/CC0->https://pxhere.com/fr/photo/672234]

Éloge de la marche dans un monde qui va trop vite

arton25725-548f5.jpg Le paysagiste et botaniste Gilles Clément chez lui, dans la Creuse. - © Mathieu Génon/Reporterre

Dans cette tribune, le sociologue David Le Breton dresse l’éloge de la marche, qu’il qualifie d’« acte de résistance civique privilégiant la lenteur, la conversation, la gratuité ».

David Le Breton est sociologue, et auteur de Marcher la vie — Un art tranquille du bonheur (2020), de Disparaître de soi. Une tentation contemporaine (2015), de Marcher — Éloge des chemins et de la lenteur (2012) aux éditions Métailié ou encore d’En roue libre — Une anthropologie sentimentale du vélo (aux éditions Terre urbaine, 2020).

Les mondes contemporains confrontent en permanence à une multitude de décisions et de sollicitations, dans une course sans fin. Ils ont remplacé la rareté des biens de consommation par la rareté du temps. L’individu est soumis à l’écrasement du temps sur le seul présent puisque le monde n’est plus donné dans la durée. Pluie des SMS et des mails, sollicitation sans répit des sonneries ou des signaux d’arrivée de messages… la tyrannie de l’immédiat et de l’urgence mobilise un défilement sans repos des activités à accomplir et des réponses à donner. D’où ce sentiment de ne plus avoir de temps à soi et de courir sans cesse après une existence qui échappe.

L’accélération du changement social implique parallèlement l’obsolescence des expériences et de la mémoire, l’entrée dans une société amnésique. La vitesse ne laisse plus le temps d’enregistrer les événements, elle produit l’oubli. Elle réduit le corps à l’immobilité à travers les prothèses innombrables qui le relaient pour rester dans le flux. Elle procure une intensité provisoire, mais ne laisse aucune trace, à la différence de la lenteur propice à l’appropriation des lieux ou des situations.

La marche est en ce sens une résistance. Les marcheurs ne sont pas pressés. Ils cheminent à quatre ou cinq kilomètres-heure, n’hésitent pas à faire la sieste ou à lanterner quand, en avion, on traverse l’Atlantique en une dizaine d’heures. Une journée de marche revient à quinze-vingt minutes de voiture. Les marcheurs prennent leur temps et refusent que leur temps les prenne. Les heures sont à eux, non aux impératifs sociaux. Leur cheminement paisible restitue l’épaisseur de la présence au monde et aux autres, il est un instrument puissant de retrouvailles avec les proches pour ces moments de plus en plus mesurés où l’on est tout entier dans le souci de l’autre tout en partageant des moments privilégiés. img_0069_01.jpg Les marcheurs prennent leur temps et refusent que leur temps les prenne. © P.O Chaput /Reporterre

Marcher, c’est cesser de perdre pied ou de faire des faux pas, c’est se retrouver de plain-pied dans son existence. Le chemin parcouru rétablit un centre de gravité qui s’était défait au fil du temps, ou bien il le renforce en procurant des moments de plénitude. Dans un autre temps, Thoreau écrivait déjà dans Walden, ou la vie dans les bois (1854) : « Je gagnais les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie […], vivre abondamment, sucer toute la moelle de la vie, vivre assez résolument, assez en spartiate pour mettre en déroute tout ce qui n’était