Posted on 27th Oct, 2017 in GR Balades et randos
ETE 2014
LES MONTAGNES ET CHEMINS DE LA LIBERTE
RANDONNEE EN COUSERANS et dans les PALLARS (en boucle)
en compagnie de Christian , Flo et Sandy , mes fidèles "aventurie(re)s"!
En cet été 2014 , j’avais envie de me faire plaisir, de rêver et de partir dans un coin sauvage et perdu de la montagne pyrénéenne pour jouer encore une fois à saute-frontière : d’un côté la vallée de Llagore , de l’autre le cirque de Cagateille.
Ils sont nombreux ceux qui ont écrit sur ce territoire qui fait la jonction entre Pyrénées Atlantiques et Pyrénées Méditerranéennes. « Des joyaux, havre et de paix et bonheur … » pour citer Jacques Jolfre, quant à Laurent Lafforgue il en parle comme étant un « Népal Pyrénéen » . Pour Eric Delapiere ce territoire est « un paradis sauvage de la randonnée en montagne ». Je laisserai les derniers mots à un autre imminent pyrénéiste Louis Audoubert pour vous présenter ces deux régions dont l’attrait principal reste l’eau et les lacs de montagne., « ces lacs à l’écart des grandes vallées et loin de leur bruit. Il faut s’ envelopper de cet univers isolé et comme à l’abri pour découvrir ces nappes de lumière (qui brillent comme des mers intérieures) au cœur de montagnes sauvages … » Et comment ne pas se laisser emporter par le lyrisme ariégeois d’Isabelle Sandy, une lointaine parente : «N’a rien compris à la beauté de la montagne, celui qui a seulement mesuré leurs cimes et leurs abîmes sans brusquement observer le jeux de leur eaux. Ces tendres et vives créatures donnent son accent au paysage, elles expriment l’ âme de la montagne, comme le parler d’Oc celle des Ariégeois. » .
Parcourir ces deux territoires pyrénéens, Couserans au nord et les Pallars au sud c’est raconter l’histoire. L’histoire humaine de ces frontaliers qui d’un côté comme de l’autre bien avant nous ont franchi ici les Pyrénées pour de multiples raisons. Pour les ariégeois , du XVIIè siècle jusqu’au milieu du XIXè siècle c’était tout simplement la survie qui les incités à passer de l’autre côté. Bénéficiant de l’or des Amériques, l’Espagne offrait de bons salaires et appelait de la main-d’œuvre pour des travaux dont ses hommes ne voulaient plus. Ils passaient les cols pour faire les foins, les moissons, les vendanges, cueillir les olives. Ils étaient nombreux, les forgeurs, mineurs, charbonniers, chaudronniers, étameurs, sans compter les colporteurs et montreurs d’ours à venir grossir l’immigration saisonnière qui touchait près de quatre mille Ariégeois. Au début du XXè siècle le flux s’inversa, à leur tour ce furent les espagnols qui franchirent la frontière pour s’employer sur les chantiers des barrages et dans les mines et carrières de montagne. Du tourisme, il n’en était pas question non plus pour les dizaines de milliers de personnes qui ont , un peu avant et pendant la Seconde Guerre, d’un côté comme de l’autre, tenté de franchir les Pyrénées, synonyme de Liberté.
C’est sur ces sentiers chargés d’histoire et de souvenirs , que j’ai mis mes pas sur les traces de ceux qui n’ayant plus d’autres choix que fuir et s’exiler s’ en allaient par les routes et les sentiers afin de franchir ce qui, à leur échelle représentait l’infranchissable : les Pyrénées.
Tous ses cheminements sont rentrés dans notre patrimoine, des itinéraires balisés ont été créés des deux côtés de la frontières . En Couserans et Pallars ; ils s’appèlent « Tour des saisonniers » , « Montagnes de la Liberté » et nous entraînent sur les traces laissés dans nos paysages par ceux qui contraints et forcés sont passés par là pour franchir les Pyrénées.
C’est à partir de ces deux itinéraires que j’ai tracé mon chemin sur les traces de ces hommes libres. Au delà de l’ empreinte historique incontestable qu’il représente c’est la beauté géographique du chemin que j’ai découvert au cours d’un périple de 4 jours.
Côté français, le verdoyant cirque de Cagateille, avec ses cascades et ses lacs, est une invitation au vagabondage et au bivouac, avant de monter dans un monde minéral plus austère et d’atteindre au col de Couillac, les crêtes frontières au panorama sublime. Côté nord couronnée par le mont Valier, la vue s’étend du Carlit au Néouvielle. Côté Sud , on repère le pic de Sotllo, les Encantats, l’ Aneto, les Posets, le mont Perdu et le mont Rouch. . Mais c’est aussi sur les lacs que s’est porté mon regard . Des lacs que j’ai rejoint en descendant sur le versant espagnol :étangs de Colats, de Seno , de Romedo et enfin le grand lac de Certascan..vers la vallée. Par le chemin du retour, après avoir remonté le vallon de Tavascan et « passé » le port de Marterat , j’ai retrouvez les vallées profondes du Couserans, encaissées entre les pentes abruptes des sommets et les paysages verdoyants des estives, un sentier jalonné par quelques cabanes, abris sous roche et enclos de pierres, vestige d’une époque où toute la montagne était parcourue par les bergers.
JOURNAL DE TREK
En suivant cet été « LES CHEMINS DES MONTAGNES DE LA LIBERTE », je ne savais pas que je pénétrais une fois encore dans un petit paradis. Beauté, rêve , émotion et sensations étaient partout au rendez-vous. Il suffisait de faire un pas … enfin quelques pas.
J1 – LE CIRQUE DE CAGATEILLE
« Les Pyrénées ont Gavarnie, le Couserans a Cagateille » tel le présente L. Audoubert. Site classé, considéré comme le plus beau des Pyrénées après Gavarnie, le cirque de Cagateille est un vaste amphithéâtre où convergent cinq vallées glaciaires suspendues. Nous avions choisi d’en faire le tour en passant par ses étangs perchés posés dans cet univers minéral.
Pour cela , nous passons notre première nuit sur l’aire du parking de La Peyre (1000m) au bout de la petit route D38 , venant du Trein d’Ustou. On part pour une courte étape et normalement pour une nuit en principe idyllique au bord des laquettes de Campet ! Mais c’était sans compter sur la météo capricieuse de cet été.
Au réveil, le plafond est bas, peu d’espoir d’avoir aujourd’hui le soleil et la moue d’un vieux chasseur qui guette avec ses jumelles le bouquetin sur les crêtes de Piede est peu encourageante.
Nous traversons le ruisseau des Cors
Le sentier monte raide monte dans la hêtraie …. et la pluie nous rattrape ! Entre deux averses on peut voir se détacher quelques sommets au-dessus de la mer de nuages qui emplit notre cirque de Cagateille et toute la vallée d’Ustou.
L’orage gronde , nous longeons l’escarpement rocheux de Fougaste (1650m) et gagnons la crête herbeuse garnie de rhododendrons . Un abri ! Une cabane adossée à un gros roc, face au levant, est la bienvenue !
Nous reprenons notre « ronde » à flanc. Sur la sente un magnifique cairn marque la crête de la Piède (1864m).
Les premières cascades qui s’éparpillent sur les boules de granits nous indiquent l’approche du lac d’Alet (1904m) !
Nous nous élevons au-dessus du lac (1924m)
Face aux aiguilles des Plagnolles sur un terrain glissant au milieu des blocs la progression est rude !
Quelques chaos de plus sont à traverser pour arriver sur les dalles lisses du Campet (1938m). Nous renonçons d’aller dormir sur les pelouses idylliques des laquettes …
… pour se replier dans la cabane de la Hilette.
Nous ne verrons rien des hameaux d’Ustou dans la vallée , nous n’apercevrons même pas les criques et les presqu’îles du lac de la Hilette, mais nous trouverons avec joie la petite cabane sur sa péninsule où nous passerons une nuit au sec en compagnie de Dame Souris , locataire des lieux !
J2 – Du COL de COUILLAC à CERTASCAN.
A la sortie de la cabane, le brouillard cerne encore l’étang de la Hillette , mais il ne pleut pas … bon présage pour la suite de la journée ! Destination la frontière et le col de Couillac. D’abord il nous faut retrouver le GR qui vient de la Peyre, puis s‘ élever dans un raide couloir garni d’un bon gispet ariegeois.
Je scrute le ciel , le soleil tente une sortie . La pente s ‘adoucit, nous traversons un ru pour soudain arriver au pied d’un immense cairn.
Enfin le moment tant attendu arrive, comme souvent en montagne, le ciel tout à coup se dégage, les sommets se découvrent tout autour de nous. Superbe moment d’une grande beauté à partager !
Puis c’est la découverte de ce laquet posé sur la crête entre ciel et terre. Le soleil change tout !
Enfin nous atteignons le col de Couillac (2416m), et nous retrouvons le magnifique versant espagnol et ses lacs que nous avions découvert sur l’ itinéraire de la Puerta del Cel. Ici on les appelle : estanys !
Nous dévalons rapidement la pente à travers herbes et pierriers pour rejoindre le premier, l’estany de Colatx (2209m) où les plantes aquatiques se couchent sous le vent. Nous, nous en profitons pour étaler nos tentes et duvets bien humides!
Nous continuons notre descente vers le sud, jusqu’à l’estany Seno (2140m) avec sa belle île plantée de pins , puis l’étang de Romedo (2120m) tout à côté.
Nous marchons sur de superbes dalles de granit blanc.
Puis la sente revient au ras des barres rocheuses et retrouve le sentier de l’estany de Certascan. Le refuge se trouve à l’entrée du lac , nous y retrouvons avec grand plaisir Alejandro le gardien mais pour nous c’est l’heure du bivouac !
J3 – De CERTASCAN aux bordes de GRAUS.
Aujourd’hui , nous refaisons une étape de la Porta del Cel mais en sens inverse ! Je ne me lasse nullement en montagne de repasser sur des sentiers déjà parcourus, les lumières et les conditions de marche ne sont jamais les mêmes et les souvenirs reviennent aussi.
Nous nous attarderons sur les superbes rives du grand lac de Certascan (2236m) dominé par son pic éponyme (2840m)
Nous progressons sur les éboulis de schistes ferrugineux pour gagner le col de Certascan (2586m) encore gardé par un petit névé !
Puis viennent les derniers pierriers, pelouses et ses rus , cascades et lacs d’altitude pour goûter au soleil retrouvé une baignade vivifiante à 5° dans des eaux cristallines avant de rejoindre l’étage boisé et d’entreprendre notre descente vers Noarre (1595m)
Les bordes de Noarre, nous rappellent que nous sommes sur les chemins de la liberté. Ici, pendant l’été 44 les soldats républicains y rangeaient du matériel et les maquisards s’en servirent également lors des opérations précédant l’assaut du mois d’octobre. Aujourd’hui , les bordes aux belles toitures de lauze sont restaurées, n’ont plus leur activités pastorales, d’échanges et de rencontres d’ antan , les randonneurs y passent et quelques estivants y résident …
Les bordes de Grauss ne sont plus très loin , il suffit de descendre par un vieux chemin pastoral pour retrouver notre camping. L’accueil pour les randonneurs y est toujours chaleureux et la cuisine copieuse et excellente. Nous y passerons une superbe soirée de détente et une belle nuit de repos !
J4 – Le col de TAVASCAN – Le chemin de la Liberté
C’est notre dernier jour. Le souvenir du mauvais temps du premier jour me fait scruter comme chaque matin le ciel. Beau temps ! L’étape sera longue, aujourd’hui encore. Nous allons repasser la frontière au port de Marterat (appelé ici côté espagnol port de Tavascan).
De Grauss (1360m), il nous faut refaire le chemin de la veille jusqu’à Noarre, puis suivre le Cami dels estanys de l’exil, chemin de mémoire. Qu’il est beau ce chemin et agréable à parcourir aujourd’hui en été. Mais ce ne fut pas toujours le cas. En effet depuis la guerre civile espagnole jusqu’à la Seconde Guerre mondiale (1936-1945), il s’agissait d’un point de passage obligé pour ceux qui fuyaient les conflits de part et d’autre des Pyrénées. Le voyage était loin d’être facile, en plus de la difficulté du parcours en lui-même, les moyens et les conditions de traversée étaient très précaires : chargées de leurs affaires personnelles, mal nourries, ces personnes portaient des chaussures rudimentaires et des vêtements inadaptés, et devaient sans cesse échapper aux contrôles policiers. Saint-Lizier en France et Tavascan en Catalogne étaient les premiers villages en vue et les portes d’entrée et de sortie du port. Ce matin c’est pour notre plaisir que nous marchons sur leur trace. Quelle est belle cette sente chargée de mémoire qui remonte le ruisseau de Tavascan, nous traversons de superbes sous-bois, marchons sur des pelouses fleuries, croisons de magnifiques troupeaux ; nous pouvons même nous rafraîchir à la Font de la Costa (1875m) avant d’atteindre l’estany del Port (2050m).
D’ici , le col n’est plus très loin , à portée de vue, il est dans l’enfilade de son lac au bout d’une belle combe.
Si la montée côté espagnol fut douce , il suffit de jeter un coup d’œil de l’autre côté pour mesurer la difficulté du cheminement qui nous attend., blocs, sentes suspendues, et descente en lacets serrés. Sous le soleil et peu de vent ce sera bon !
Un dernier bain dans les torrents glacés, quelques framboises, pour notre dessert, un dernier ressaut morainique à franchir, les belles gasconnes sur les estives, nous goûtons les derniers instants de plaisir de ce trek engagé. Nous arrivons à Ossèse, terme de notre chemin. Les filles ménagerons nos pieds sur le macadam en allant cherché à quelques kilomètres de plus ( !) notre voiture laissé depuis 4 jours sur le parking de La Peyre. La boucle est bouclée.
C'était une "Belle Cagateille" !!!!
NB : Remerciements
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à Flo, Sandy, Christian pour m’ avoir accompagné dans ce périple pyrénéen plein d’aventures et de moments forts !
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à Alejandro Gamarra, le gardien du refuge de Certascan qui se bat contre les promoteurs pour garder son refuge Une étape incontournable de la HRP, sur l’itinéraire de la Puerta del Cel , aujourd’hui sur celui des Montagnes de la Liberté, dont il est l’initiateur. En plus, Alejandro est un gardien exemplaire, super accueillant, qui renseigne avec photos à l’appui sur tous les itinéraires du secteur., outre ses multiples compétences en matière de montagne, il se révèle très bon cuisinier !
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au personnel des bordes de Graus, attentifs aux randonneurs de passage, un camping où tout le monde part heureux de l’accueil qu’il a reçu.
- à la communauté de communes du canton d’Oust, pour le remarquable travail effectué pour restaurer les cabanes ( Hillette, Marterat) en espérant que les randonneurs intelligents sauront les respecter . Tout comme la petite souris locataire du lieu nous avons particulièrement apprécié celle de la Hilette pour nous mettre au sec pour la nuit . Celle de Marterat est remarquablement équipée et très bien placée sous le port de Travascan pour s’abriter très rapidement en cas d’ intempéries fréquentes dans ce secteur avant d’affronter la descente !
Vous ne trouverez pas dans ce journal de trek , les temps de marche réalisés ! Ils sont trop dépendants des aléas de la météo, de la saison à laquelle vous parcourez cet itinéraire. Toutefois c’est un circuit engagé, réservé à des randonneurs habitués à l’autonomie en haute montagne.
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