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Posted on 10th Oct, 2019 in Géologie

Immenses horizons désertiques, vastes étendues planes, terres de solitude et de silence que nous aurait légués la mer de l’ ère secondaire en se retirant et nous laissant un monde minéral à l’état nu : c’est une image que l’on peut avoir du Larzac, mais une approche plus intérieure va nous faire découvrir un pays plein de contrastes et de diversité à travers l’ histoire de ses roches, omniprésentes dans le paysage.

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SITUIATION

Le causse du Larzac est le plus méridional des Grands Causses, séparé au nord du causse Noir et du causse de Blandas par les gorges de la Dourbie et de la Vis, bordé à l’ouest et à l’ est par les monts de Saint Guilhem, il dresse ses murailles au dessus du bassin de Lodève, au sud.

ITINERAIRE

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C’ est ainsi qu’on l’aborde, par ses falaises vertigineuses, au Pas de l’ Escalette, laissant la Lergue sauter de cascades en cascades dans la vallée.

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Puis, le plateau s’ offre à nous, sans transition. Ici, pas de crêtes altières, pas de sommets imposants, ni de rivières verdoyantes, mais une succession de hauteur de pierrailles blanches et grises, immenses vagues ondulant entre de petites plaines allongées, ses pelouses à moutons et dépressions cultivées.

Pour découvrir le causse dans toute son immensité, sa solitude et son silence, il faut quitter la N9 et pénétrer à l’ intérieur. Nous le ferons deux fois, dans le dédale du lapiez de Camp-Rouch et au milieu des îles rocheuses du lac des Rives.

Puis, nous irons à ses pieds, sur les pentes noires, nues et ravinées, de marnes riches en rostres de Bélemnites et coquilles d’ Ammonites et pour finir, notre itinéraire nous fera parcourir les croupes sombres, basaltiques de l’ Escandorgue.

HISTOIRE

C’ est en quittant les terres rouges continentales du bassin Permien de Lodève, que strate après strate, en grimpant le pas de l’ Escalette, le causse raconte son histoire.

C’ était il y a 200 millions d’années, une grande mer, la Thétis, ancêtre de la Méditerranée envahit le Languedoc. Ici, dans la région des Causses au pied des Cévennes et du vieux Massif Central, la mer Jurassique arrive progressivement, couvrant et découvrant les rivages marqués encore par les empreintes de pas de dinosaures. Puis, le régime marin devient plus franc, sédiments calcaires parfois dolomitiques s’ y déposent, surmontés par endroits par des horizons marneux, mélanges d’ argile et de calcaire où sont conservés, Ammonites, Bélemnites, Gastéropodes, marques de la fin du Jurassique inférieur. Ces dépôts peuvent à eux seuls définir une identité. Ils forment les « avants-causses » : plateau de l’ Escandorgue , causse de Lunas et de Bédarieux. Puis, vient la période moyenne du Jurassique, propice à la dolomitisation des sédiments. La mer était chaude, notre région vivait une période calme, c’est dans cette clémence, au Jurassique moyen, entre 175 et 160 millions d’années que , couche après couche se déposaient sur son fond marin les sédiments calcaires, dans une mer chaude, peu profonde, à salinité élevée, riche en sels magnésiens, favorable à leur transformation en dolomie. Ce sont ces dépôts calcaires et dolomitiques laissés par la mer du secondaire, aux reliefs ruiniformes rongés par l’ érosion qui font l’ ossature des causses et leur réputation.

PAYSAGES DOLOMITIQUES

C’ est l’ eau, agent principal de l’ érosion qui est responsable des paysages ruiniformes. Sur ces roches aux deux minéraux, calcite et dolomite, elle attaquera, préférentiellement par dissolution la calcite, laissant nu le squelette dolomitique : ainsi naissent ces fantaisies de la nature , dentelles de pierres, purs produits du hasard d’un réseau cristallin inachevé, tantôt érigées vers le ciel, tantôt allongées en murailles rugueuses où se multiplient, tours, clochetons, pyramides et toutes sortes de décors sortis de notre imaginaire.

RANDONNEE

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Nous découvrirons le Larzac méridional, dans tous ses états, par une superbe boucle au départ de Camp-Rouch. La randonnée débute par la traversée de pelouses rases parsemées de buis, de genévriers et de chênes blancs qui nous emmènent au Puech Saint Vincent (alt 826m) : ancien volcan formé par une montée de basalte à travers le calcaire du causse. De son sommet constitué d’ un amoncellement de gros blocs de lave, le panorama est exceptionnel, en partant du nord et de gauche à droite, on découvre : le causse du Larzac, le massif de l’Aigoual, la montagne de la Séranne avec le Roc Blanc et le Pic Baudille, puis la plaine, l’Espinouse et les Pyrénées dans le lointain.

**Autre curiosités*** :

Le hameau typiquement caussenard de Puech Doussieu, après Camp-Rouch.

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La source de la Padénette, maigre source recouverte par une sorte de capitelle. (de l’occitan « padéna », poêle à frire, allusion à la dépression qui l’abrite – sur le flanc du Puech Saint Vincent.

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La ruine de la chapelle St Vincent de la Goutte, au chevet rond, construite probablement au XIIème s. Les murs de calcaire et de basalte sont renforcés par d’épais contreforts, le toit a disparu. Le nom de la « Goutte » évoque le voisinage de la source de la Padénette. A côté de la chapelle se trouvent les restes d’ un petit logement , d’ une citerne et d’un four à pain. St Vincent de la Goutte fut longtemps une église annexe de la paroisse de Pégairolles de l’ Escalette et un prêtre a dû résider dans ce lieu retiré au sommet du Puech St Vincent.

L’ itinéraire se poursuit par une piste qui nous conduit à travers bois jusqu’au Mas-de-Rouquet.

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En chemin , nous ferons un détour par l'aven des Perles et celui du Mas-de-Rouquet : cette caverne, bien connu des spéléologues, était aménagée et servait autrefois de cave pour l’ affinage du frage de brebis – suivre à gauche, 500m environ le Mas-de-Rouquet, un balisage jaune dans les bois.

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On continue dans la végétation, laissant à droite la source du trou du Loup, pour rejoindre la bordure du plateau dominant les falaises du Pas de l’Escalette, la reculée de la Lergue et le village de Pégairolles-de-l’ Escalette.

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Puis, par une succession de chaos dolomitiques, on retrouve Camp-Rouch.

Après ce circuit typiquement caussenard, nous allons rejoindre une autre curiosité naturelle du Larzac , le lac des Rives.

L’ eau est rare sur le Larzac, pourtant les précipitations sont abondantes au printemps et à l’ automne (moy. Ann. 800 à 900mm) Mais, sur cette surface chaotique fortement fissurée, parsemée de trous béants, les eaux de ruissellement disparaissent rapidement pour alimenter tout un réseau karstique souterrain. Il arrive, localement, qu’ après de fortes pluies, l’ eau puisse rester temporairement en surface et former de magnifiques lacs d’ où émergent des îlots rocheux. C’ est ce spectacle éphémère que l’on peut voir près des Rives.

L’ explication de leur formation est fort simple, les dolomies du Jurassique moyen reposent sur des marnes noires imperméables, dans certaines conditions karstiques fermées et par fortes pluies, les eaux de ruissellement peuvent saturer le réseau souterrain et venir se rassembler dans des dépressions de surface ennoyant les piliers dolomitiques.

Nous venons de parler des marnes noires, couches sommitales du Jurassique inférieur, nous allons les retrouver en quittant le Larzac, à ses pieds !

Elles sont très facilement repérables dans le paysage où elles forment de grandes coulées noires dénudées de toute végétation. Leur intérêt géologique est de contenir des fossiles, témoins de cette mer du Jurassique dont nous avons tant parlé : nous y trouverons des Ammonites pyritisées, des fragments de rostres de Bélemnites et de petits Gastéropodes.

QU’EST CE QU’UN FOSSILE ?

C’est un témoin de la vie à la surface de la Terre dans les temps passés, infime point parfois microscopique dans l’ immensité des roches. C’ est le reste pétrifié d’ une partie ou de la totalité d’ un organisme végétal ou animal, ou simplement son empreinte ou son moulage dans la roche. Pour devenir un fossile, un animal ou une plante doit posséder des parties dures : os, coquilles, bois ; un enfouissement rapide est nécessaire afin d’ éviter la décomposition et les parties dures peuvent être conservées intactes mais sont souvent altérées : les substances dissoutes sont remplacées par d’autres, la silice, le calcaire et les oxydes de fer se déposent fréquemment dans les fossiles, ce qui peut préserver leur structure. Et puis un jour, des mouvements soulèvent la région, la mer se retire, l’ érosion attaque le relief… et nous retrouvons nos précieux témoins : ils nous permettront de dater la roche dans laquelle ils se trouvent, ils nous aideront à connaître le milieu dans lequel ils vivaient ( conditions climatiques, profondeur des eaux, par exemple)

LES AMMONITES

Les Ammonites sont des Mollusques marins du groupe des Céphalopodes de la famille des Ammonoïdés protégés par une coquille externe généralement enroulée en spirale plane , de dimension allant du cm au mètre. Cette coquille comporte une partie (= phragmocône) divisée en chambres par des cloisons sécrétées par l’ animal et une partie située à l’ avant (= chambre d’habitation) où vit l’animal. Un canal (= siphon) ventral relie cette dernière loge à la première. On dénombre des milliers d’ espèces d’ Ammonites que l’ on distingue par le dessin des lignes de suture découpées des cloisons et la forme et l’ornementation de la carène et des flancs de leur coquille. Ce sont d’ excellents fossiles stratigraphiques de l’ ère secondaire, en particulier du Jurassique et du Crétacé, époque à laquelle ils disparaissent brutalement. Les Ammonites devaient flotter et nager au-dessus des plateaux continentaux ouy ramper sur leurs fonds, à la manière des Nautiles, dernière espèce existante des Céphalopodes à coquille externe.

LES BELEMNITES

Les Bélemnites sont des Mollusques marins du groupe des Céphalopodes de la famille des Dibranchiaux, uniquement fossiles, proche des seiches, pieuvres et calmars. Leur squelette était composé de trois parties : le rostre, en forme de balle de fusil, composé de calcite lamelleuse et qui est généralement le seul conservé par la fossilisation ; le phragmocône segmenté et traversé par un siphon qui est logé dans l’ alvéole du rostre et représente l’ équivalent de la coquille des Ammonites ; le proostractum, fragile lame en en partie cornée et pratiquement jamais fossilisée. Comme nos seiches, les Bélemnites étaient des formes nageuses vivant en troupe. Leur taille variaient de quelques cm à quelques décimètres. Leur valeur stratigraphique est médiocre et moins bonne que celle des Ammonites avec lesquelles on les retrouvent souvent. Ils existèrent du Carbonifère au Crétacé , mais ils sont surtout abondants dans les sédiments jurassiques et crétacés.

LES GASTEROPODES

Les Gastéropodes , groupe zoologique composé d’ individus possédant un pied servant à la reptation et sécrétant une coquille unique, plus ou moins enroulée, dextre ou plus rarement senestre. Il existe des gasréropodes uniquement aquatiques, respirant par des branchies ( les Posobranches et Opisthobranches, (les uns ont les branchies en avant du cœur, les autres en arrière) ou adaptés à la vie terrestre, respîrant par un poumon (les Pulmonés). La plupart des Gasréropodes sont marins, surtout littoraux.

CONCLUSION

Désertique par son paysage, le Larzac l’est aussi par sa population. Comme toutes les autres régions montagneuses, il a subi un important exode rural, de 3 613 hab (début XXè siècle) la population du canton du Caylar est passée à moins de 900 aujourd’hui. Ici le mouton est roi, l’ économie du pays est pastorale, tournée vers la production d’ agneaux pour la viande et la production de lait pour le Roquefort. Gardarem lou Larzac, un peuple a forte identité régionale qui a su par ses luttes préserver son territoire menacé dans les années 70 par l’extension d’un camp militaire.

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