Posted on 11th Aug, 2025 in GR Rencontre et découvertes
PAROLE DES CAUSSES . L'article que vous allez lire , n'est pas une écriture personnelle , mais simplement la compilation de textes (et de photos) saisis (et prises) au cours d'une visite au domaine départemental de Boissets,
tout proche de Saint Eminie, en bordure du causse de Sauveterre ##
PS; Je n'ai rien voulu toucher au bonheur de découvrir la richesse de ce site
Une belle découverte pour comprendre ce que fut la vie sur le causse et ce qu' est aujourd'hui l'agropastoralisme sur ce rude territoire
Le causse de Sauveterre s'étend de La Canourgue à Balsièges, et d'Ispagnac au Massegros. Cet espace de plus de 19 500 hectares alterne entre paysage boisé de conifères, et grandes étendues de pelouses entretenues par le pastoralisme.
Ce territoire abrite bon nombre d'espèces : l'aigle royal, le circaète Jean-le-Blanc, l'adonis de printemps, ...
Ce vaste plateau calcaire qui s’étend jusqu’en Aveyron est « la terre des brebis ».
Le Causse de Sauveterre tire son caractère de l’habitat typique qui s’y trouve. Les habitations sont construites en voûtes de pierres et toits en lauzes. Cette pierre calcaire est la matière première qui abonde sur le causse, contrairement au bois.
Le Hameau de Boissets
Vous voici aux portes du Hameau de Boissets , aménagé au fil des siècles sur cette draille menant du causse au Tarn , malgré cette sensation de bout du monde, Saint Eminie est là, au bout de ce sentier , à moins d' 1h 30 à pied. Trois familles vivaient là, entourées de leurs centaines de moutons.. Poussez les portes , ou engagez -vous sur la draille
Au début du 15è siècle , Boissets comptait quatre feux, soit quatre familles. En 1734, ce sont trois familles, soit treize habitants qui vivent ici. La famille Malafosse lègue le domaine au Département aux hôpitaux de Mende, Marvejols et Florac en 1970. , alors qu'elle est liée au hameau depuis le 18è siècle. Les plus anciens bâtiments conservés remontent au moins au 15è siècle. Le hameau se développe ensuite pendant cinq siècles et devient un domaine relativement riche. Au 18è siècle, la présence de 650 moutons en fait une des fermes les plus importantes des bords du Sauveterre. Les bâtiments visibles de nos jours datent des 16è et 17ème siècles pour la plus grande phase de construction. Du 15è au 19è siècle, les bâtiments sont agrandis , preuve de l' essor du domaine L'agropastoralisme se pratique toujours à Boissets , avec une bergerie du 20è siècle et des cultures , témoins d'un paysage culturel vivant inscrit au patrimoine mondial.
Cette terre craquelée, fissurée , profondément sélectionnée par le passage du Tarn, ce sont les causses, l'un des ensembles paysagers de la Lozère.
Vastes plateaux d'apparence aride, les causses sont pourtant très arrosés, mais leur calcaire truffé de failles et de lézardes , absorbe la moindre goutte d'eau. Ici, pas de fontaine jaillissante sur la place du village, quasiment aucune source pour attirer l'Homme. Sur cette terre calcaire, dans l'immensité de ce paysage karstique, on a dû se regrouper à quelques maisons , ou s' isoler , entouré des centaines d' hectares nécessaires à une économie vivrière. Une main imaginaire semble avoir émietté sur le causse des petits hameaux et des fermes très dispersés. Le hameau de Boissets est installé au centre de ce paysage, au bord du causse de Sauveterre , face au causse Méjean. Une sorte de phare dans cette immensité, qui témoigne de la vie que les caussenards s'inventent depuis plus de cinq siècles
Habiter les causses, une expérience menée sur des millénaires
La vie ici est le résultat d' expérience et d' inventions menées sur des millénaires. Les savoir-faires des Caussenards, leurs constructions, leur maîtrise de captage de l'eau de pluie , leur faculté à cultiver et à mener les troupeaux, sont le fruit de leur adaptation à cet environnement karstique. Cette appropriation a débuté à l'époque préhistorique . En effet , si les habitats semi-nomades ont disparu , les mégalithes toujours visibles, témoignent de l' occupation des causses dès 3200 ans avant notre ère. Cheminer , se repérer , s' installer ici, épierrer … Les mêmes questionnements se sont répétés au fil des siècles sur tous les causses et ici, à Boissets. Chacun des motifs du paysage rappelle ces impératifs et l' inventivité des hommes pour toujours s' adapter.
Marqués par des motifs paysagers forts et récurrents , nés de l'adaptation de l' Homme , à un environnement naturel bien spécifique , les causses constituent un << paysage culturel>> reconnu par l'UNESCO . Ce paysage a été façonné par l'activité agropastorale depuis le Néolitique jusqu'à nos jours.
<<Sur le causse de Sauveterre , nos terres>> !
Bienvenue sur le sentier découverte de l'agropastoralisme
Sentier balisé de 5km. 1H45 de balade sur sentier et petite route. Des piquets discrets rythmes la découverte
<<Les landes à moutons sont de moins en moins utilisés;il faudrait y laisser les brebis 5-6heures par jour qu'elles se nourisent assez. Il faut clôturer, cela à un coût, on fait appel à une entreprise pour planter les piquets tellement le sol est enroché... Sur les landes, il faut aimer marcher ! Les parcs sonr grands, les brebis pas toujours en bordure pour aller les chercher pour la traîte ! On préfère les mêttre au champ, où on a semé de l'herbe ...>> Sylvianne Navech , éleveuse sur le Méjean
<< L'attachement au coin où on vit, à la terre , c'est quelque chose difficile à exprimer, surtout dans le monde actuel. Aujourd'hui, c'est la mobilité qui est mise en avant, le fait d'aller voir ailleurs...Nous, les paysans , on reste à la même place, on aime l'endroit où l'on vit.>> Sylviane Navecth, éleveuse sur le Méjean
<<Le troupeau peut avoir quelque chose de fascinant ; ça bouge sans arrêt, il se passe toujours quelque chose. Ce mouvement à la fois puissant peut être imperceptible aussi … C'est comme la fascination exercée par une rivière : le même flux,avec un tourbillon qui se crée, qui disparaît, qui réapparaît. Un troupeau c'est comme un fluide. >> Bernard Grllier , berger transhumant du Gard Extrait de Bergers de l' Aigoual, , éleveur des Causses et Cévennes, Marc Khanne , 2016
<<Le siège de notre exploitation est à Champerboux au nord, mais Boissets est vital pour nous . De novembre à juillet , c'est la traite. A partir d'août , on est sur Boissets, les brebis profitent des herbages d'été et d'automne. ; ça repose les terres près de Champerboux >> Jacques Paradan , éleveur à Boissets
<< L'attachement au coin où on vit, à la terre , c'est quelque chose difficile à exprimer, surtout dans le monde actuel. Aujourd'hui, c'est la mobilité qui est mise en avant, le fait d'aller voir ailleurs...Nous, les paysans , on reste à la même place, on aime l'endroit où l'on vit.>> Sylviane Navecth, éleveuse sur le Méjean
<<Le troupeau peut avoir quelque chose de fascinant ; ça bouge sans arrêt, il se passe toujours quelque chose. Ce mouvement à la fois puissant peut être imperceptible aussi … C'est comme la fascination exercée par une rivière : le même flux,avec un tourbillon qui se crée, qui disparaît, qui réapparaît. Un troupeau c'est comme un fluide. >> Bernard Grllier , berger transhumant du Gard Extrait de Bergers de l' Aigoual, , éleveur des Causses et Cévennes, Marc Khanne , 2016
Celui qui n'a jamais mené les bêtes, ne connaît pas la terre et tout ce qu'elle nous apporte
Ces moments où le soleil frise à l' horizon, embrassant l'étendue du domaine. Une lumière douce, emplie de possibles, qui donne à inspirer pleine...
Ces marches vers l'infini, qui remplissent l' oeil et le corps de la certude d'être au bon endroit... Les bêlements des brebis, le doux tintement de leur cloches, les chiens qui jappent , joyeux de s'élancer et de faire leur travail …
Ce moment de pause sur cette simple pierre qui semble vous attendre, ou tout respire le paisible... Le regard court sur chaque bête, ces centaines de dos qui vous entourent , le chien s'avance , se pose à vos pieds, heureux comme vous d' être là...
Ces moments de torpeur à l'abri d'une haie , à attendre que passent les heures chaudes, indolent, dans le bruissement des insectes.
Ce moment où la petite pluie cesse , où le soleil revient et où l' humidité s' élève , renouvelant les senteurs qui émanent de la terre …
Ces moments de fin du jour où tout s 'éclaire d'un regard nouveau, contraste de ces herbes jaunes et souples, dansantes, et de ce ciel gris plombé qui emplit l' air et fige la scène.
Combien de fois les avons-nous arpentées ,
ces terres, nous LES BERGERS DES CAUSSES###
Nous en connaissons chaque pierre :
Les passages à grandes dalles que d'autres générations avant nous ont piétinés, jusqu'à polir, lustrer le calcaire. La pierre où l'on s'assoit, à l'autre bout du domaine , et celle ronde que l'on ramasse près de la ferme , pour encadrer un parterre de fleurs. La pierre que l'on remet à sa place sur le muret construit par le grand-père. La pierre avec laquelle on joue gamin, porté par la légende d'un trésor enfoui quelque part parmi les roches ! ...
Et toute celles que nous récoltons , inlassablement, à chaque labour, pour épierrer, alléger le terre de ces morceaux stériles , et permettre aux semences de prendre.
Regardez ces clapas : chaque génération pourrait dire quelles pierres elle y a ajoutées... On aurait dû les dater ! Ce sont nos monuments, assemblés pierre après pierre, fruit du travail de centaines de mains, mai**ns de femmes, mains d' hommes, mains d' enfants, qui ont extrait de la terre ces bouts de géologie... Ce sont nos monticules, nos sommets, sur ces terres si planes !
**Chaqu'un dessine un signal, tel un message en braille, assemblage de points en relief... Nous savons les lire, ils nous guident dans l'immensité du causse.
<< Ton mur c'est un clapas ! >>
Expression pour dire que le mur n'est pas réussi , que la personne qui l'a monté ne sait pas construire en pierre sèche … L'expression est aussi utilisée pour parler d'un mur ou d'une construction qui tombe en ruines !
Ici, chaque détail de relief porte un nom : sotchs pour les petits creux circulaires, dolines pour les dépressions plus importantes.
NOS TERRES S'ARRÊTENT là où commence celles des autres !
*Ici, chaque hameau , chaque ferme avait ses terres, des domaines forcément étendus pour permettre à chaque famille de vivre.
L'arrivée du broyeur de pierres dans les années 1980 a été une véritable révolution dans le pays : on s'est mis à concasser les pierres au lieu de les ramasser.
Les cuvettes cultivables se sont étendues. Leur surface reste pourtant très modestes : sur le domaine de Boissets et ses 311 hectares exploités aujourd'hui, seuls 18 hectares sont des terres labourables. Le reste se partage entre des landes et parcours où paissent les moutons , et des bois de pins noirs d' Autriche , plantés en 1964 après la déprise agricole et l'exode rural des années 1950.
Ce reboisement, cela a été toute une histoire ! Les vieux bergers y étaient opposés, c'était une source de conflits entre générations à l'époque . Aujourd'hui, ces arbres qui entourent Boissets sont les témoins de l' impact de l' histoire des hommes sur le paysage.
Les terres de Boissets s'arrêtent en bordure de causse : quand il fait très chaud en été, les brebis s'approchent tout au bord pour profiter du courant d'air qui monte des gorges , au risque de tomber...
<<On est agriculteur de père en fils sur Champerboux depuis 1540. Notre métier n'a pas changé : c'est toujours de faire naître et d'élever des brebis pour leur lait. Notre souci premier reste l'autonomie alimentaire du troupeau. On produit notre propre herbe , sainfoin, luzerne, dactile, et en céréales, de l' orge, du blé, de l'avoine. On a des « parcours », des zones non cultivées pour faire paître les brebis au printemps et à l'automne, en complément des champs. On réalise des pâtures tournantes pour éviter l'embroussaillement. L'évolution, c'est qu'à l'époque , il fallait 4-5 personnes , plus les bergers, aujourd'hui, on est trois sur l'exploitation ; on a clôturé pour limiter le gardiennage et gagner du temps. >> Jacques Paradan , éleveur à Boissets
NOS TERRES SONT EMPLIES DE SIGNES qui nous emmènent très loin dans le temps....
Labourer près d'un tumulus dont les premières pierres furent rassemblées là , à la Préhistoire, cela vous transporte vers d'autres temps. La terre que vous foulez prend encore une autre valeur...
La pierre du Néolithique a permis de prendre soin de nos morts. J' imagine parfois, assis là à surveiller les brebis, ces hommes ériger un dolmen, entasser les pierres autour de de ces parois rocheuses, amasser la terre pour construire le tumulus proprement dit, et assumer ainsi, par la masse accumulée , le blocage complet de l'ensemble... Assembler des pierres, remuer ciel et terre... une constante chez les Caussenards !
Qu' auraient-ils-dit , ces nomades du Néolithique qui peuplaient les causses, en voyant nos ancêtres bâtir sur ces ruines, sur ces mêmes pierres , les cazelles,les abris où surveiller les troupeaux ?
Quand vous percevez la continuité des gestes tournés vers cette pierre calcaire, des gestes qui ont poursuivi d'autres buts mais qui ont trouvé un écho pendant tant de siècle …. Cela vous rend humble !
On dit ici que « la pierre repousse » ; elle paraît mobile, presque vivante, comme un envahisseur avec qui s' accorder au fil d'une cohabitation qui dure depuis des millénaires...
NOS TERRES SE MERITENT !
Être élleveur, c'est aussi ces moments où tout se passe mal... L'orage qui claque à 4 heures du matin, quand il faut ouvrir les portes des enclos pour abriter le troupeau. Une mise bas qui tourne mal, des heures d'effort pour un agneau mort-né...
Ici, l'hiver est rude et dure longtemps. Être berger ou éleveur sur les causses , c'est beaucoup de travail, dans des conditions climatiques difficiles. L' image d' Epinal, de l'agropastoralisme où le berger garde tranquillement ses brebis n' existe plus , et n'a sûrement jamais existé ! Aujourd'hui comme hier , nos terres se conquièrent.
<< Le loup nous oblige à revoir nos pratiques, on ne met plus les brebis en enclos de nuit par exemple... Les mouflons nous aident à repérer sa présence ; selon leur position sur le causse, on sait si le loup rôde dans les parages. A Boissets, on nous a proposé des patous pour les garder, mais avec les touristes , on a préféré décliner. Les promeneurs veulent parfois caresser les chiens qui peuvent alors mordre car ils ont été élevés pour garder le troupeau...>> Jacques Paradan , éleveur à Boissets
*Autrefois les bergers devaient accomplir diverses tâches tout en gardant le troupeau : épierrer, ériger des clôtures, aménager des lavognes, brûler en partie la végétation et gagner des pelouses pour les bêtes. Ils coupaient les buis et les genévriers pour en faire du bois de chauffage ou fabriquer des outils. Ces hommes étaient souvent employés par le propriétaire du troupeau.
Aujourd'hui, le gardiennage des troupeaux a évolué. Il y a les éleveurs ovins qui se consacrent à cette seule activité et il y a ceux qui ont dû se diversifier : transformation et vente directe, agrotourisme, élevages complémentaires, apiculture …, avec peu de place pour le gardiennage et toute une organisation , exigeante et prenante !
<< L'agropastoralisme aujourd'hui inclut d' autres activités. La plupart du temps, on met les brebis dans des zones clôturées, où elles vont pâturer librement. Elles ne sont pas gardées en permanence. Ce n'est plus possible. C'est peut-être un métier de passion, mais c'est aussi un métier de raison , si on veut s'assurer un revenu, mais aussi avoir du temps pour ses enfants.... L'éleveur veut vivre à l'unisson de la société .>> Paricia Granat , éleveuse ovin, lait et porc , viande causse Méjean Extrait de Bergers de l' Aigoual, , éleveur des Causses et Cévennes, Marc Khanne , 2016
<< Le loup nous oblige à revoir nos pratiques, on ne met plus les brebis en enclos de nuit par exemple... Les mouflons nous aident à repérer sa présence ; selon leur position sur le causse, on sait si le loup rôde dans les parages. A Boissets, on nous a proposé des patous pour les garder, mais avec les touristes , on a préféré décliner. Les promeneurs veulent parfois caresser les chiens qui peuvent alors mordre car ils ont été élevés pour garder le troupeau...>> Jacques Paradan , éleveur à Boissets
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